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La Belle Jeunesse

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
La Belle Jeunesse - hermosa juventud
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Fait assez rare pour être mentionné : le titre de ce cinquième long métrage de Jaime Rosales peut s’entendre aussi bien au premier qu’au second degré. D’abord, parce que le couple qui le porte, formé par Carlos et Natalia (Carlos Rodriguez et Ingrid Garcia Jonsson), se révèle effectivement beau et attachant comme tout. Agé d’une vingtaine d’années, chacun d'eux se débrouille comme il peut dans l’Espagne contemporaine pour amasser de temps en temps un maigre salaire : lui sur des chantiers, elle au gré de quelques vagues babysittings. Jusqu’au jour où, acculés par la misère, ils décident de tourner un porno amateur pour quelques centaines d’euros. Vu comme ils s’aiment, l’expérience les fait plutôt sourire. Mais bientôt, Natalia découvre qu’elle est enceinte. Et cette ‘Belle Jeunesse’ se teinte alors de mélancolie, et son titre d’une ironie amère. Elever un enfant quand on habite soi-même chez ses parents : voilà l’intenable situation dans laquelle se retrouvent Natalia et Carlos.

Réalisme, violence des rapports sociaux, écrasement de la jeunesse : les thèmes abordés par le cinéaste barcelonais n’ont pas grand-chose de réjouissant. Toutefois, leur traitement humble, pudique, fait de silences et de hors champs, réussit à éviter l’écueil du misérabilisme ; d’autant que l’énergie déployée par ses protagonistes confère au film quelques moments bienvenus de poésie, de douceur et d’optimisme. Pourtant, le constat reste implacable : la société contemporaine – en Espagne et plus généralement dans le sud de l’Europe – ne cherche ni parents ni amants ; simplement une main-d’œuvre bon marché, corvéable à merci. Enfin, on a ça tous les jours sous les yeux, n'est-ce pas ?

Eparpillés, ces « nouveaux prolétaires » ne forment pourtant pas une classe, à peine un groupe social : ils se retrouvent plutôt repliés sur eux-mêmes, à regarder leur jeunesse s’évanouir à travers les photos prises sur leurs téléphones portables – dont le défilement tient ici parfois lieu d’ellipse glacée, figée et muette. Sans concession mais sans violence gratuite ni volonté de démonstration trop épaisse, ‘La Belle Jeunesse’ s’affirme au bout du compte comme un témoignage honnête et réaliste sur le quotidien actuel des jeunes européens. En espérant qu’un jour, il puisse passer pour un film d’époque – même si, vu le marasme économico–politique actuel, ça a l'air franchement mal barré.

Écrit par Alexandre Prouvèze

Crédits

  • Réalisateur:Jaime Rosales
  • Acteurs:
    • Ingrid García Jonsson
    • Carlos Rodríguez
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