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La Chambre bleue

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
La Chambre bleue - Mathieu Amalric
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Après le succès de ‘Tournée’ (2010), son précédent long métrage en tant que cinéaste, Mathieu Amalric planchait sur une ambitieuse version cinématographique du classique de Stendhal, ‘Le Rouge et le Noir’. Mais face aux difficultés rencontrées pour boucler son financement et organiser la mise en place du tournage, le prolifique acteur-réalisateur se lança au débotté dans cette adaptation d'un court roman noir de Georges Simenon, ‘La Chambre bleue’, servi par un budget minimal et une équipe resserrée de quinze personnes.

Dans une petite ville des Pays de la Loire, près des Sables d’Olonne, Julien Gahyde (Amalric, donc) se voit interrogé par la police sur sa relation adultérine avec son amie d’enfance, Esther Despierre (Stéphanie Cléau). Au fil de nombreux flash-backs, le film nous fait alors revivre les différentes étapes d'une passion amoureuse mortellement dévorante. Sur le thème classique du couple criminel (qui rapproche son film des ‘Amants diaboliques’ de Visconti ou des ‘Noces rouges’ de Chabrol), Mathieu Amalric réussit à tirer son épingle du jeu en posant intelligemment la question de la verbalisation de l’érotisme, de la sensualité et du désir.

D’un côté, le film nous montre en effet l’ivresse érotique, les promesses formulées, mais aussi les doutes qui peu à peu s’installent entre Julien – par ailleurs marié à Delphine (Léa Drucker), avec laquelle il a une petite fille – et cette Esther à la passion qu’on découvre de plus en plus flippante. Ici, tout se dit à demi-mot, dans une imprécision qui sied parfaitement au désir. En miroir, c’est au commissariat, puis au tribunal, que l’histoire se rejoue, contraignant Julien à formuler ses actes, à poser des mots sur ses sentiments, sur sa relation à Esther, à sa femme, et finalement à lui-même. Ou comment le sexe, l’amour peuvent-ils se dire a posteriori, pour se réduire à une phrase, à une affirmation nette, à un rapport de police...

Sondant ainsi la distance entre les émotions, les états affectifs (envie, animalité, gêne, tendresse, honte...), et l’opacité du langage, ‘La Chambre bleue’ réussit à mêler une atmosphère de série B aux faux airs de téléfilm et une étonnante profondeur psychologique. Humble, sans prétention et ramassé en une petite heure et quart, le nouveau film de Mathieu Amalric ne restera peut-être pas comme sa plus grande œuvre, mais parvient à conserver un charme diffus, une étrangeté assez singulière, comme un écho âpre à l’un des rôles les plus récents et enthousiasmants d’Amalric, dans ‘L’amour est un crime parfait’ des frères Larrieu. Au final, le comédien-fétiche de Desplechin n’est donc pas seulement un acteur-réalisateur mémorable et raffiné. Il s’affirme à nouveau ici comme l’auteur d’une œuvre polymorphe d’une remarquable cohérence.

Écrit par AP
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