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La Loi de la jungle

  • Cinéma
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
La Loi de la jungle 2016
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Burlesque et barré, le nouveau film de l’équipe de ‘La Fille du 14 juillet’ s’affirme clairement comme l’un des plus drôles de l’année.

A vrai dire, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas autant ri devant une comédie française. Après ‘La Fille du 14 juillet’, Antonin Peretjatko revient en effet avec cette ‘Loi de la jungle’ souvent hilarante, continuant de développer un humour au moins aussi singulier que celui de Quentin Dupieux – ou d’un Bruno Dumont seconde période. Mais en moins froid. Et en plus immédiatement drôle, surtout. Ce qui tient, sans doute, aux particularités propres à son registre : absurde, certes, mais jouant surtout à mi-chemin entre le burlesque chorégraphique à la Chaplin et le sens de la vanne sociétale, critique, lorgnant parfois, assez délicieusement, vers l’ironie politique. Un savoureux grand écart, en somme.

Nouveau stagiaire au ministère de la Norme (dirigé par un Jean-Luc Bideau en pleine forme), Marc Châtaigne (Vincent Macaigne) se voit immédiatement muté en Guyane pour conformer aux directives européennes la construction d'une piste de ski indoor décidée par des investisseurs qataris. Sur place, il croise Mathieu Amalric en vieux roublard vaguement néo-colonialiste, un Pascal Légitimus tout droit sorti d’un drôle de sketch des Inconnus (normal, me direz-vous) et, surtout, Tarzan (Vimala Pons), une jeune aventurière (en fait, stagiaire elle aussi), clope éternellement vissée au bec, qui l’accompagnera dans des pérégrinations plus folles les unes que les autres.

On l’aura compris : le scénario, fantasque et ludique, mise en permanence sur le pas de côté, la dérive inattendue, aussi éloigné que possible de tout esprit de sérieux ; ce qui n’est pas sans évoquer très vite la délicieuse légèreté de certains films de Jacques Rozier (en particulier ‘Du côté d’Orouët’ ou, plus encore, ‘Les Naufragés de l’île de la Tortue’) ou les moments les plus cartoonesques du ‘Pierrot le fou’ de Jean-Luc Godard. Mais aussi, par moments, le duo Terence Hill / Bud Spencer. Autant dire qu’on pardonnerait à peu près tout à la ‘Loi de la jungle’ – à commencer par son rythme qui prend parfois l’eau (amazonienne) avec une sympathique nonchalance. Car au fond (de l'Amazone), le charme irrésistible de ‘La Loi de la jungle’ tient à la complicité évidente entre son histoire délirante, la réalisation fantaisiste de Peretjatko (jouant entre un joyeux héritage de la Nouvelle Vague et le rythme accéléré du slapstick du cinéma muet) et l’euphorie jubilatoire de ses acteurs, en tête desquels Vincent Macaigne et Vimala Pons.

D’ailleurs, quelques mots s’imposent au sujet de celle-ci : si vous ne connaissez pas Vimala Pons, sachez donc qu’elle est probablement l’actrice française la plus bluffante que vous puissiez actuellement découvrir ; sorte de Buster Keaton au féminin, gaulée comme une statue grecque – période ionienne – avec l’espièglerie d’Anna Karina. Bref, un cocktail renversant. Après ‘La Fille du 14 juillet’ qui la révéla en 2013 (et des apparitions chez Rivette, Dupontel ou Resnais), on a pu croiser l’actrice acrobate dans quelques impeccables seconds rôles, pour ‘Vincent n’a pas d’écailles’ de Thomas Salvador, ‘Comme un avion’ de Bruno Podalydès ou ‘L’Ombre des femmes’ de Philippe Garrel. Et 2016 semble bien parti pour la voir rayonner plus encore : après le récent ‘Marie et les naufragés’ de Sébastien Betbeder, l’actrice la plus pétillante de l'Hexagone vampirise en effet cette ‘Loi de la jungle’ avec une drôlerie et une aisance incroyables. Bref, que dire de plus, hormis vous pouvez y aller les yeux fermés... Vous serez d'autant plus enchanté de les ouvrir.

Écrit par
Alexandre Prouvèze
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