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Dans le jardin cinématographique actuel, 'La Taupe' avait a priori tout pour faire son trou… Un scénario basé sur l’un des plus grands romans d’espionnage d’un spécialiste en la matière, John Le Carré, lui-même ancien espion anglais. Un casting britannique aux petits oignons, avec Gary Oldman, Colin Firth et John Hurt, mais aussi Mark Strong, Toby Jones, ou encore Benedict Cumberbatch, tous parfaits dans leurs costumes trois-pièces à l’élégance toute british. Enfin, dernière pièce du puzzle, 'La Taupe' bénéficie d’une mise en scène soignée, qui manie les ellipses, traite l’image et utilise les décors – comme le « Circus », siège des services secrets – avec un certain art.
Pourtant, le film ne dépasse jamais le niveau d’un bel exercice de style, certes plaisant mais qu’on regarde avec un flegme aussi détaché que celui de son héros, George Smiley (Oldman). D’autant que la construction du scénario n’hésite pas à laisser le spectateur combler lui-même les blancs, ou démêler les sous-entendus, si bien que la notion de suspense brille vite par son absence. Ce qui, pour un polar, peut s’avérer gênant. Très vite, il devient donc évident que l’enjeu principal n’est plus de savoir qui est la fameuse taupe, mais plutôt de comprendre le mécanisme complexe et paranoïaque d’une petite élite de personnages aussi secrets qu’ambigus, souvent d’anciens étudiants d’Oxford, bien nés, brillants, et pour quelques-uns sensibles aux appels du pied de l’utopie communiste.
Certains cinéphiles se délecteront sans doute de ce rythme un brin oppressant, mélange de scènes bavardes à souhait et de calmes plats où l’on contemple George Smiley faire sa brasse matinale ; d’autres en revanche se lasseront de circonvolutions pas toujours évidentes à suivre, et d’une intrigue qui perd, au fur et à mesure que le film avance, l’essentiel de sa saveur. Quel dommage, surtout vu le brio d’une des séquences d’ouverture, dans laquelle un agent se fait piéger en Hongrie par les services secrets russes : la tension créée grâce au montage rappelle alors les meilleurs moments de Brian de Palma, ces plans rapides où les regards, les détails, les gestes, semblent tous annoncer le pire sans pour autant le garantir.
Malgré l’infinie classe de sa mise en scène, force est donc de constater que les moments où le film fait entrer le spectateur dans sa mise en scène sont rares. La plupart du temps, elle se contente de portraiturer son sujet tel un peintre. 'La Taupe', une nature morte.