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L'Ange blessé

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
L'Ange blessé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Après ‘Leçons d’harmonie’, Emir Baigazin retrouve le thème de l’adolescence avec ce long métrage qui confirme tout son talent et sa puissante radicalité.

Quatre garçons dans le vent aride du Kazakhstan, vers la fin du XXe siècle, alors que l’empire soviétique n’en finit pas de s’effondrer. Quatre histoires parallèles de passage à la vie adulte. Sèches, brutales. Et filmées avec la majesté de plans fixes qui ne sont pas sans rappeler, parfois, l’épure âpre et dense d’un Michael Haneke.

Tout juste adolescent, Jaras (Nurlybek Saktaganov) est employé à surveiller des sacs de farine. Il habite seul avec sa mère jusqu’au retour de son père, qui vient de sortir de prison. Gueule et voix d’ange, regard translucide, Poussin (Madiyar Aripbay) chante majestueusement, mais se voit peu à peu entraîné dans les rixes des bandes de garçons de son village. Errant dans les décombres, Crapaud (Madiyar Nazarov) recherche quant à lui des métaux à vendre, au fil de rencontres d’une inquiétante étrangeté. Etudiant prometteur, Aslan (Omar Adilov) semble peut-être le seul de nos quatre héros en état de sortir du marasme de son pays. Mais l’avortement qu’il croit devoir imposer à sa petite amie, pour réussir son parcours, le plongera peu à peu dans une étrange folie symbolique.

Traitées sans pathos, ces trajectoires brisées n’en deviennent que plus poignantes, grâce à la réalisation minérale de Baigazin, sublimée par la photographie d'Yves Cape - dont le travail sur 'Hors Satan' de Bruno Dumont ou 'Holy Motors' de Leos Carax nous avait déjà laissés bouche bée. Et si le Kazakhstan, son histoire, paraissent évidemment présents à travers les décors de décombres, les ruines métalliques du désert post-soviétique, au rythme de coupures d’électricité quotidiennes, les histoires que suit ‘L’Ange blessé’ (qui doit son titre à une toile du peintre symboliste finlandais Hugo Simberg, d’ailleurs reprise dans le troisième segment du film avec des enfants handicapés tout droit sortis d’un Beckett) semblent pourtant universelles.

Violence du passage à l’âge d’homme, cruauté des rapports sociaux, difficultés de la transmission d’un père à son fils ou jeux d’humiliations entre adolescents : ces thèmes qui traversent le film d’Emir Baigazin bénéficient d’un traitement sans concession. Mais sans excès, non plus. Et cet équilibre, juste et précis, paraît pour le moins impressionnant pour un cinéaste trentenaire (né en 1984), qu’il serait dommage de ne pas aller découvrir au plus vite.

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Écrit par
Alexandre Prouvèze
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