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Le Paradis

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Le Paradis - Alain Cavalier
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Trois ans après avoir offert à Vincent Lindon un ‘Pater’ politiquement incisif, drôle et inventif, Alain Cavalier revient avec ‘Le Paradis’, film minimal et follement touchant, mêlant journal filmé et relecture de mythes fondateurs de la Bible ou d’Homère.

Bien que classé « expérimental » (adjectif qui, pour beaucoup, paraît synonyme de « franchement flippant »), ce nouveau long métrage se révèle en fait très ouvert, doux, chaleureux et accueillant. D’une inimitable classe de moine zen, Cavalier y retranscrit, avec un humour et un second degré souvent délicieux, différents aspects de son quotidien ; en particulier, son affection pour le souvenir d’un bébé paon mort prématurément. Ce qui, dit comme ça, pourrait évidemment paraître saugrenu ou naïf. Mais en abordant, par le prisme de cet oiseau disparu, les thèmes de la mort, de l’altérité ou de la mémoire, Cavalier est capable de vous serrer la gorge et de vous faire monter les larmes aux yeux en à peine quelques secondes. Sans jamais vous prendre par les sentiments. Vraiment, ce type est d’une élégance à tomber.

Simplement armé d’une petite caméra DV, Cavalier prouve en outre qu’il est passé maître dans le jeu des images improvisées et de la voix-off, réussissant à exploiter avec une impressionnante richesse son dispositif décharné. Pour preuves, ces mythes antiques – le sacrifice d’Abraham, le voyage d’Ulysse… – qu’il réinterprète avec de simples jouets d’enfants (un canard en plastique, un robot cabossé), et pour lesquels le timbre de sa voix et le placement de sa caméra suffisent à créer une atmosphère à faire crever de jalousie une immense majorité de blockbusters.

Surtout, qu’il s’agisse de son quotidien en pleine campagne ou de récits mythologiques, Cavalier va toujours au plus simple, au plus évident. Mais partant du banal, du lieu commun, le cinéaste parvient à en tirer une force à la fois singulière et universelle : ainsi le voit-on inventer au jour le jour un cinéma à taille humaine, libre, d’une immense modernité. Comme Godard et son bluffant ‘Adieu au langage’ (bien que dans un style très différent), ‘Le Paradis’ semble alors témoigner d’un cinéma à venir, cousin de l’art vidéo : porté par la fantaisie, la créativité comme art de vivre, et débarrassé de l’argent, de l’industrie, des rouages et des dogmes. Quoi de plus souhaitable, au fond ?

Écrit par Alexandre Prouvèze
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