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Les Adieux à la reine

  • Cinéma
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Les Adieux à la reine
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Il est étonnant de constater le hiatus entre les éloges quasi unanimes de la critique à l’égard des 'Adieux à la reine' de Benoît Jacquot et les fortes réserves émises par le public. Divorce consommé entre « vrais gens » et intellectuels pédants ? Fossé habituel entre esthètes un peu prétentieux et audience avide de divertissement ? Ces couples d’opposition tiennent du cliché facile, mais la différence entre les deux jugements prouve qu’il existe toujours un décalage entre le public et les journalistes à propos du cinéma français.

Pourtant, les 'Adieux à la reine' procure un véritable plaisir au cinéphile, en dépit de quelques tics susceptibles de crisper certains spectateurs. L’aspect décalé, presque grotesque, de deux ou trois séquences, comme la chute de Léa Seydoux courant dans les couloirs de Versailles, ou bien l’étreinte un brin surréaliste de Marie-Antoinette et Gabrielle de Polignac face aux courtisans, pourront au choix agacer ou ravir. Une chose est certaine, ces scènes donnent au film un vrai relief qui le fait échapper au canon du genre historique à la française, soit trop outrancier ('La Reine Margot') soit trop convenu ('Ridicule'). Ici, la mise en scène nous immerge totalement dans un quasi huis-clos à l’intérieur du château, où l’aristocratie sombre vite dans la paranoïa face aux événements de la Révolution française. Cette dernière n’est donc pas directement figurée à l’écran, mais chuchotée comme un secret terrible, entendue dans un pamphlet lu à haute voix à l’intérieur d’un couloir, entr’aperçue à travers des torches menaçantes qui s’agitent derrière les fenêtres d’un carrosse en fuite.

Ce sont finalement ces moments de panique douce, de tension latente, qui font des 'Adieux à la reine' un film plaisant à suivre, plutôt que le triangle amoureux entre une reine, sa servante et sa maîtresse. Pour autant, on ne saurait bouder son plaisir devant la formidable Diane Kruger. La Marie-Antoinette qu’elle campe est admirablement plurielle : jeune fille insouciante surprise en pyjama, souveraine capricieuse en robe du soir (une séquence onirique de toute beauté), femme politique prête à tout pour sauver la royauté, enfin amoureuse follement éprise de l’insaisissable Gabrielle de Polignac. Jouée par Virginie Ledoyen, cette femme arriviste et volage disparaît aussitôt qu’on la voit, fendant la foule sans lui jeter un regard, et fuit Versailles déguisée en bonne, symbole du renversement politique en cours. Les esprits chagrins s’ennuieront peut-être devant ce spectacle où l’action se fait rare, mais le plaisir est comme le diable, il se cache souvent dans les détails : les moustaches d’un soldat suisse, une horloge dérobée, l’apparition furtive d’un roi veule, le rat tendu par une gouvernante, un vieux courtisan qui s’évanouit, les yeux perçants de Léa Seydoux…

Écrit par Emmanuel Chirache
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