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Les Crimes de Snowtown

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Les Crimes de Snowtown
Les Crimes de Snowtown
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Il  nous faut revenir en 1998, avec ‘The Boys’ de Rowan Woods, voire en 1986 avec ‘Henry, portrait d'un serial killer’ de John McNaughton, pour retrouver un drame criminel aussi intense, aussi dérangeant et dont le mystère persiste autant que celui conté ici par le réalisateur australien Justin Kurzel. Ainsi, ‘Les Crimes de Snowtown’ revient sur le tueur en série le plus dangereux d’Australie, et sur une série de meurtres tragiquement célèbres, perpétrés dans les années 1990 dans une petite ville au sud du pays.

La tension implacable apportée par le scénario de Shaun Grant et le rythme palpitant de l’électro de Jed Kurzel nous entraînent inexorablement – quoi qu’à contre-cœur – au beau milieu d’une dynamique meurtrière où la structure familiale sert de catalyseur. Même si le film est délibérément noir, le réalisateur fait preuve de compassion, et tente de comprendre comment le jeune et vulnérable Jamie Vlassakis (Lucas Pittaway), 16 ans à peine – et c'est de son point de vue naïf que sont observés les terribles événements – subit la mauvaise influence d’un charismatique psychopathe, John Bunting (Daniel Henshall). Il est tout aussi impressionnant de découvrir, observée de l’intérieur, la communauté de marginaux avec laquelle vit Jamie, ainsi que sa famille, toutes deux brisées par la misère, la drogue et les abus sexuels.

Quand John emménage avec la mère célibataire de Jamie, Liz (Louise Harris), il prend la place du père absent – prodiguant argent et attention aux enfants – et cette figure paternelle de substitution apporte une nouvelle stabilité aux trois garçons. En parallèle, il s’autoproclame porte-parole des habitants marginalisés et privés du droit de vote – un sous-prolétariat défavorisé que rongent ses préjugés anti-gays et une obsession haineuse des pédophiles. Aussi, puisque toute l’histoire est envisagée du point de vue crédule de Jamie, une interrogation émerge : John est-il vraiment ce « justicier » solitaire, violent et homophobe, ou bien agit-il par bravade ? Un premier indice est donné par une escalade de violence qui laisse présager d’une suite tragique : après avoir lancé des cornets de glace à la fenêtre de leur voisin pédophile, on surprend John et Jamie répandant sur son porche la tête démembrée, la queue, les pattes, les oreilles et les entrailles sanglantes d’un kangourou abattu.

C’est donc un film pénible à regarder, mais les atrocités écoeurantes de cette banlieue sont rendues supportables par la réserve et la rigueur de Kurzel, qui montre la plupart des meurtres de façon indirecte. L’acteur amateur Lucas Pittaway apporte sa singularité au rôle de Jamie, tandis que les autres personnages sont tout naturellement joués par des gens du coin – ce qui donne du caractère et apporte un humour inattendu à cette représentation d’une communauté discréditée, sous l’emprise d’un psychopathe interprété avec une férocité sournoise par le seul acteur professionnel du film, Daniel Henshall.

Se débarrassant des stéréotypes et des effets clinquants qui ont récemment gâché un autre film policier australien, ‘Animal Kingdom’, Kurzel et son brillant directeur de la photo, Adam Arkapaw, font une utilisation judicieuse et efficace des ralentis et des accélérés, ajoutant un niveau supplémentaire à la tension psychologique crispante du film.

Écrit par Nigel Floyd / traduction Charlotte Barbe
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