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Les Rencontres d'après minuit

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Les Rencontres d'après minuit
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Béatrice Dalle en dominatrice qui fouette Eric Cantona en lui disant : « il paraît que tu caches un trésor dans ton pantalon ». Cette petite vignette de la bande-annonce des 'Rencontres d’après minuit' peut faire peur. Pourtant, rien dans le film ne vient confirmer cette crainte d’un film vulgaire, beauf ou lourdingue. A l’inverse, ici tout tend à une insoutenable légèreté, à une poésie certes crue mais distinguée, élégante, feutrée. Il y a du Bertrand Blier chez Yann Gonzalez, celui de 'Tenue de soirée' ou 'Merci la vie', qui transforme le trash en dérision, la grossièreté en grâce, le glauque en glamour. Ce qui commence ainsi comme une promesse de partouze dévoile peu à peu sa véritable identité : il s’agira moins de baiser, même si l’amour émane du film à chaque minute, que de parler. Comme dans un film de Blier des années 1980, la froideur du décor fait écho à la solitude des âmes, et dialoguer devient l’unique remède à la tristesse. Tour à tour, chaque personnage – intelligemment désigné par un surnom comme « L’Etalon », « L’Adolescent », « La Star » ou « La Chienne » – raconte son histoire, sa fêlure, qu’on devine à l’origine de cet engouement pour le sexe de groupe.

Avec un brio certain, Yann Gonzalez parvient à faire des premières minutes du film un savant mélange d’humour et d’angoisse. Déjà, hors des murs de cet appartement claustro, on pressent une société dure, impitoyable, une machine à broyer les êtres qui s’immisce dans le film par l’entremise de policiers frappant à la porte. Mais on ne quitte l’appartement que pour trouver d’autres décors très simples, en trompe-l’œil ou carton-pâte esthétiques, ce qui renforce l’impression de huis clos éprouvée par le spectateur. Unité de temps et de lieu, ou presque, la frugalité des moyens financiers confère un aspect théâtral à l’ensemble et, comme dans une tragédie grecque, chaque plan, chaque phrase, porte en eux la fatalité d’une issue malheureuse. L’incroyable musique composée par M83 participe à ces quelques instants de grâce terrible qui, hélas, se font de plus en plus rares au fur et à mesure que le film avance. Par le biais d’un jukebox spécial (sorte de petite plateforme translucide qu’on frôle de la main pour l’entendre jouer la musique qui traduit sa propre humeur), la partition de M83 s’insinue soudainement avec une puissance inouïe. Alors qu’elle surfe sur ce retour aux années 1980 froides et synthétiques qu’on doit au film 'Drive', on ne s’en agace pas un seul instant.

La musique fonctionne aussi comme autant de pauses salutaires au milieu d’un film très bavard, presque trop, très bien écrit et très bien joué (les intonations des comédiens sont à l’unisson du film, blanches et solennelles), ce qui permet de masquer la relative monotonie qui s’empare des 'Rencontres d’après minuit' à partir de trois heures du matin. Il faut attendre le dénouement pour retrouver ces instants qui glacent le sang, le rêve d’une plage où l’on s’échange des baisers, l’apparition d’un spectre de mort, des adieux touchants sur un chemin au milieu de champs enneigés, face au soleil de l’aube. Une communauté retrouvée d’âmes perdues, qui ne rêve que d’une chose : s’aimer. Et voir l’énorme bite d’Eric Cantona.

Écrit par Emmanuel Chirache
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