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L'Eté de Giacomo

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
L'été de Giacomo
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Naturellement, on préfère mettre en avant un cinéma qui montre à un cinéma qui démontre. Les belles leçons, comédie, tragédie, catégories fixes : cela a été vu, revu jusqu’à en avoir la glotte irritée. Car l’enjeu véritable, à l’heure du numérique (c’est-à-dire de la possibilité technique, pour quiconque, de réaliser un film), n’est-il pas, sans doute, de conserver des moments singuliers de beauté, d’authenticité – qu’ils soient poétiques ou grotesques, mais qui en tout cas échappent à la domination d’un flux narratif préétabli et omniprésent ? Ou, pour le dire avec plus de concision, des images qui interpellent nos sens, plutôt que de nous « raconter des histoires ».

Bref, la logique du storytelling a parfois des allures fascisantes ; et c’est là que ‘L’Eté de Giacomo’ apparaît comme une bouffée d’air frais. Son réalisateur, l’Italien Alessandro Comodin – dont c’est le premier film, et qui fêtera son trentième anniversaire le lendemain de sa sortie – a en effet eu la bonne idée de tourner un documentaire, sur deux adolescents, pour le monter ensuite comme une fiction. Autrement dit (la distinction fiction/documentaire étant souvent artificielle), son travail d’appropriation du réel par l’imaginaire le situe dans une tradition du cinéma italien qui évoque assez le néoréalisme ou la modernité d’Antonioni.

Plus concrètement, le contexte, documentaire donc, est le suivant : Giacomo, bel adolescent, se balade dans la campagne italienne avec son amie, Stephania. Peu à peu, le spectateur se rend compte que Giacomo est malentendant. Mais le film n’en paraît alors que plus riche dans son attention aux détails sonores, la résonnance d’un espace (avec une jolie séquence d’ouverture où Giacomo tape sauvagement sur une batterie), le bruissement du vent, les clapotis du lac où les deux adolescents se baignent…

Par ailleurs, c’est un film visuel, charnel, avec une douceur sensuelle et diffuse, caractéristique de la lumière d’été, de ses jeux d’ombres sous les arbres, sa manière de faire scintiller la peau humide. La réalisation témoigne en outre de parti pris intéressants, capable de faire alterner un impressionnant plan-séquence, caméra au poing à travers les bois, avec des plans fixes, larges et contemplatifs. Au final, l’ensemble réussit à établir une temporalité qui lui est propre, à ouvrir un espace où se développe une grande sensualité – sans qu’il soit pourtant jamais frontalement question de sexe. A la place, ‘L’Eté de Giacomo’ montre plutôt l’éveil des sens comme un panthéisme délicat, où le désir affleure d’autant plus sensiblement qu’il est tu. Voilà qui donne bien envie de partir en vacances.

Écrit par Alexandre Prouvèze
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