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Marie et les naufragés

  • Cinéma
  • 3 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Marie et les naufragés
© DR/Unifrance
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Une histoire d’amour apparemment banale qui vire au roman d’aventures agréablement déjanté

Prenez une fille plutôt mignonne, les yeux toujours grands écarquillés comme si elle découvrait perpétuellement la vie, et si tête en l’air qu’elle perd son portefeuille dans la rue. Prenez ensuite un trentenaire, journaliste de métier (précaire) et jeune père pas très modèle ni très conventionnel puisqu’il promène sa gamine au Père-Lachaise et l’emmène voir des films coréens. Ce dernier ramasse le portefeuille, le rend à sa propriétaire et, intrigué parce qu’on lui a assuré qu’elle était « dangereuse », se met à la suivre jusque sur l’île de Groix en Bretagne. Ajoutez à ce cocktail exclusif un écrivain taciturne, ours bourru persuadé d’être électrosensible, joué par Eric Cantona ; un coloc’ somnambule et bien décidé à composer une chanson à la fois triste et dansante ; et enfin un gourou de la musique, Paco Rabanne inspiré par une nymphe qui lui est mystérieusement apparue en songe (en fait le fruit d’une bonne insolation)… Voilà ! Vous obtenez le scénario farfelu de ‘Marie et les naufragés’.

On vous l’accorde, dit comme cela, le synopsis semble décousu et pourrait même rebuter les plus cartésiens des spectateurs. Tout comme le jeu lunaire des acteurs et la scène d’ouverture dans un karaoké-bar qui semble n’avoir aucun lien avec le reste du film. Où veut donc en venir le réalisateur, Sébastien Betbeder, avec ce long-métrage aussi à l’ouest géographiquement que dans son ton ? Pour unique réponse, une petite voix à l’oreille nous susurre alors : « Dans son monde parallèle peuplé d’êtres déboussolés, drôles et touchants ».

C’est donc assez rapidement que l’on se laisse porter, comme un radeau qui dérive, au gré de leurs vagues à l’âme. Sans s’en rendre vraiment compte, on s’attache même à ces personnages insulaires qui finissent par se rejoindre sur les bords de l’Atlantique. Peut-être parce que, dès les premières minutes, chacun d’entre eux nous raconte son passé sans cachoteries, met à plat ses traumatismes et ses défauts. Une confiance née et, une fois qu’on les connaît mieux, on se montre plus enclin à les suivre dans leurs pérégrinations, voire leurs délires. Car tous, sans exception, sont animés par une fuite en avant. Souvent impulsive, elle les pousse à profiter de l’instant présent, faisant de ce film un ‘Carpe Diem’ rafraîchissant.

On rit également de l’accumulation de symboles tels l’heure récurrente et fatidique de 3h14 ou Marie, sainte sauveuse autour de laquelle gravite cette belle bande de pêcheurs. Preuve que, sous ses airs délurés, ‘Marie et les naufragés’ n’a rien d’un film bâclé. Au contraire, il a été longuement pensé et mûrement réfléchi dans son rapport à l’humain, à la mort et à la dérision. Sans oublier la scène de danse finale, où l’on voit l’ancien attaquant marseillais se déhancher comme un pantin désarticulé sur du Sébastien Tellier. Et qui vaut, à elle seule, le prix d’une place de cinéma.

Écrit par
Clotilde Gaillard
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