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Marina Abramović : The Artist Is Present

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Marina Abramovic in Marina Abramovic: The Artist Is Present
Marina Abramovic in Marina Abramovic: The Artist Is Present
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Monument de la performance artistique qu’elle pratique depuis les années 1970, exhibant, manipulant, triturant son corps pour son public devant la caméra ou in situ, Marina Abramovic provoque. Choque. Inspire indubitablement une forme d’émotion. Peu importe qu’elle irrite son spectateur par son besoin constant de s’exhiber, de chercher l’extrême et de porter vers elle toute l’attention qu’elle peut drainer, ou qu’elle le fascine au contraire en livrant son corps à son art avec une générosité et un courage sans concessions, l'artiste d'origine serbe semble toujours poser une question fondamentale : qu’est ce que l'art et qu’est-ce qu'un artiste ? Quelle forme peuvent-ils prendre et quel rôle peuvent-ils jouer aujourd’hui ?

C’est aussi le genre d’interrogations que soulève ce documentaire sur le personnage et le parcours de Marina Abramovic. De sa vie de jeune artiste toujours prête à s’infliger des expériences physiquement brutales ou douloureuses, à son statut de mythe sexagénaire auquel le MoMA consacrait une grande exposition en 2010, le film de Matthew Akers balaie d’abord les moments forts de son existence, en insistant sur sa relation sentimentale avec Ulay, ex-concubin et co-performeur. Le résultat est parfois édifiant, parfois sentimental au point de lorgner vers le mélo.

Basé sur la performance historique qu’Abramovic a réalisée au MoMA, le reste du documentaire la montre surtout assise et immobile dans les salles du musée new-yorkais. Tous les jours, de mars à mai 2010, la voilà fidèle au poste, recroquevillée devant une chaise sur laquelle les spectateurs sont invités à s’asseoir quelques minutes, à tour de rôle. Près de trois mois sans bouger. Juste à lever les yeux pour fixer les gens. A offrir son temps, son énergie et sa présence à son public, tout en s’abreuvant jusqu’à plus soif, en retour, du regard d’une foule de fans au bord de l’hystérie (on voit les gens trembler, fondre en larmes, se dénuder devant elle), qui l’observe tandis qu’elle pousse son organisme à bout.

Continuité de cette mise en scène, fruit d’une volonté et d’une endurance presque inhumaines, le film témoigne assez intelligemment de ce moment rare. Sans faire l’éloge absolu de la Serbe, ‘The Artist Is Present’ a le grand mérite de faire planer l’ambiguïté. On ignore si Marina Abramovic, dans son rôle d’œuvre d’art vivante, cathartique et muséifiée, est venue incarner une sorte de néo-artiste proche de la divinité, de la prêtresse, du martyr. Ou si elle représente au contraire une forme d’art vide de sens et de création, devenu pur divertissement. Un vecteur de la vacuité spirituelle qui ronge le monde occidental, un emblème de consolation pour âmes individualistes, en mal d’attention, ou une force de la nature, capable de tendre des miroirs inattendus au premier venu. La réponse se situe sans doute quelque part entre toutes ces pistes de lecture. Reste que dans son manifeste, Marina Abramovic déclarait qu’un « artiste ne doit pas faire de lui-même une idole ». Et qu’on a rarement vu une artiste se donner les moyens d’être à ce point adulée.

Écrit par Tania Brimson
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