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Snowpiercer, Le Transperceneige

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Le Transperceneige
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

L'histoire du 'Transperceneige', c'est un peu comme si François Ozon tombait par hasard dans une brocante sur un vieux manga de Tezuka et décidait de l'adapter en film. Peu probable. Car ce n'est pas tous les jours qu'un cinéaste coréen découvre un classique de la SF française dans une petite boutique et a un coup de foudre en le bouquinant d'une traite. Quand Bong Joon-ho lit 'Le Transperceneige', BD publiée en 1982 dans la revue (A SUIVRE), il discerne tout de suite le potentiel cinématographique de l'œuvre et rêve d'en faire quelque chose. Il ne sait pas encore qu'il ne parviendra à achever le projet que huit ans plus tard. Il faut dire que la vie des adaptations au cinéma est toujours sujette aux aléas les plus variés, et bon nombre de droits d'adaptation finissent au fond d'un tiroir poussiéreux sans jamais voir le jour. Pendant qu'il s'attaque à monter le projet du 'Snowpiercer' avec l'aide du cinéaste et producteur Park Chan-wook, Bong Joon-ho réalise pas moins de trois films : 'The Host', 'Shaking Tokyo', et 'Mother', qui lui vaudront les éloges de la critique internationale, déjà séduite par son excellent 'Memories Of Murder'.

Au final, que penser de ce 'Transperceneige' made in Corée du Sud ? Même s'il diffère beaucoup de la bande dessinée (les personnages ont changé, la critique sociale est un chouïa moins présente), le film conserve le principal : ce train lancé à pleine vitesse, portant en son sein les derniers survivants d'une humanité balayée par une ère glaciaire apocalyptique, qui tourne en rond à travers la planète entière, tel un Orient-Occident Express. A lui seul, ce postulat excite l'imagination, et on attendait avec impatience de voir le résultat, surtout mis en scène par un auteur de talent comme Bong Joon-ho. Le début du film se révèle cependant décevant, en partie sans doute parce que le réalisateur a souhaité faire du film sa tête de pont pour conquérir les Etats-Unis. Résultat, l'histoire perd certains détails acerbes, la violence crue qu'on trouve habituellement dans le cinéma coréen se transforme en violence plus aseptisée, et l'acteur fétiche du réalisateur, le génial Song Kang-ho ('Sympathy For Mr. Vengeance', 'Memories Of Murder', 'Le Bon, la Brute et le Cinglé'), est cantonné à un rôle secondaire qui n'est pas à la hauteur de son talent.

Dans ces conditions, on peine à vraiment embarquer dans la partie arrière du train, celle qui renferme une populace démunie, oppressée et soigneusement compartimentée loin des classes supérieures. Le souffle de l'aventure qui devrait nous emporter n'est finalement qu'une petite bise et il faut attendre le franchissement de quelques wagons pour voir enfin des plans visuellement superbes et pour retrouver l'humour, le dynamisme et l'originalité dont fait preuve Bong Joon-ho dans ses films. Portées par une Tilda Swinton en état de grâce (chacune de ses interventions met en joie le spectateur), ces séquences où l'on découvre une véritable arche de Noé sur rails font partie des plus marquantes. Suite de tableaux oniriques, portraits évanescents d'une élite oisive et décadente, fenêtres ouvertes sur un monde figé dans la glace, course-poursuite insolite avec les hommes de main du leader Wilford : voici le destin de l'humanité réduit à la marche absurde d'un train mû par l'énergie perpétuelle. De nouveau, le final retombe dans les errements du départ, où la critique sociale manque un peu de cruauté pour toucher juste. Peu importe, le voyage aura durant quelques dizaines de minutes permis au spectateur de renouer avec la poésie de cette parabole quasi-biblique.

Écrit par Emmanuel Chirache
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