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Two Years at Sea

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Après deux ans passés à travailler en mer – et dont, malgré son titre, on n’entendra pas la moindre mention dans ce documentaire – Jake Williams s’est installé dans un ermitage solitaire, perdu au milieu des forêts de conifères de la brumeuse campagne écossaise. Rappelant le Henry David Thoreau de ‘Walden ou la Vie dans les bois’, Williams bricole ainsi son quotidien mutique en harmonie avec les forces de la nature, tandis que la caméra du réalisateur Ben Rivers (une Bolex 16 mm dont le cinéaste développe lui-même les pellicules) suit le vieil ermite sans âge, chevelu et barbu comme un Christ vagabond.

Presqu’intégralement muet, jamais le film ne laisse filtrer la voix de l’ermite : tout juste l’entend-on siffloter en coupant du bois, grogner lors d’un effort physique, chantonner en écoutant un vinyle de folk primitif, en lisant un bouquin ou en rangeant le bric-à-brac qui lui sert de chambre. Toutefois, certaines séquences ont tout de même de quoi scotcher le spectateur, tant Jake Williams paraît vivre en poète panthéiste, allant pécher dans une dérive crépusculaire, sur un radeau simplement composé d’un matelas pneumatique et de jerricans vides, ou installant sa caravane au sommet de gigantesques pins.

Méditatif et expérimental, ce premier long métrage de Ben Rivers l’est assurément. Nouveau venu dans les salles obscures après avoir largement frayé dans le milieu des galeries londoniennes, le cinéaste de 42 ans n’a manifestement pas choisi de céder à la facilité, développant une esthétique minimale et très personnelle à travers un noir et blanc granuleux, hypnotique et ultra-contrasté : une recherche graphique à la fois austère et d’une beauté souvent stupéfiante, parfaitement en harmonie avec le mode de vie solitaire qu'il évoque.

Evoquant tour à tour un Béla Tarr sauvage (comme un ‘Cheval de Turin’ à la bichromie crado) et les origines du cinéma documentaire chez Robert Flaherty (en particulier ‘Nanouk l’Esquimau’), ‘Two Years at Sea’ affirme sa singularité avec un mélange de puissance et d’humilité, d’exigence et de simplicité. Si bien qu’il réussit finalement un tour de force profondément cinématographique, en parvenant à modifier l’état de perception et la psyché de son spectateur, pour le conduire vers une forme de contemplation, d’absorption dans la durée et d’extrême attention portée aux détails visuels et sonores : la danse du feuillage sous la pluie, le clapotis de l’eau d'un immense lac, le parchemin de ridules gravées par le temps sur le visage de Jake Williams ou le crépitement nocturne d’un feu de camp…

Evidemment, très éloigné des canons habituels du cinéma grand public, le film ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais ceux qui s’y immergeront – avec une facilité, au fond, assez inattendue – ne l’oublieront certainement pas de sitôt. Certainement l’un des plus beaux films à sortir en salles en ce début d’année 2015.

Écrit par Alexandre Prouvèze

Détails de la sortie

  • Noté:U
  • Date de sortie:vendredi 4 mai 2012
  • Durée:90 mins

Crédits

  • Réalisateur:Ben Rivers
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