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Zero Dark Thirty

  • Cinéma
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
Jessica Chastain in Zero Dark Thirty
Jessica Chastain in Zero Dark Thirty
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Evacuons d’entrée la polémique, complètement stérile, selon laquelle ‘Zero Dark Thirty’ ferait de la propagande pro-torture : ce n’est pas parce que l’on dépeint des pratiques violentes qu’on les approuve. Au contraire, Kathryn Bigelow, qui n’a pris d’autre parti que celui du réalisme, s’attache à montrer dans son dixième long métrage les passions parfois violentes et irrationnelles qui ont hanté l’Amérique post-11 Septembre. A commencer par les techniques d’interrogatoire musclées employées par la CIA.

Les premières secondes du film font office de piqûre de rappel : face à un écran noir, on entend les grésillements d’une conversation téléphonique, enregistrée le 11 septembre 2001. Au bout du fil, une femme réalise à voix haute qu’elle va mourir. L’effet est dévastateur, et pourtant, ce seront les seuls moments d’émotion que Bigelow s’autorise. En pas moins de deux heures et quarante minutes, la réalisatrice de ‘Démineurs’ déroule un récit linéaire implacable, aussi sec qu’un désert pakistanais. Aucun pathos, aucune romance inutile, aucune musique grandiloquente, bref, ‘Zero Dark Thirty’, c’est un peu l’anti-‘Argo’. Et comme les événements que le film retrace sont relativement récents, on ne peut que saluer un tel effort de retenue.

‘Zero Dark Thirty’ – minuit trente, en langage militaire – suit donc la traque d’Oussama Ben Laden, ou plutôt, celle d’Abu Ahmed, l’un des proches collaborateurs du chef d’Al-Qaida. Une traque longue de dix ans, menée, dans le film, par Maya (Jessica Chastain), une jeune analyste de la CIA. Entêtée, voire effrontée, notre héroïne se bat avec hargne contre une administration d’hommes – oui, car ‘ZDT’, tout de même réalisé par la première femme de l’histoire à remporter l’Oscar de la meilleure réalisatrice, s’affiche comme un film « féministe », et c’est d’ailleurs son seul problème. Parce qu’à en croire Bigelow, en dix ans, Maya n’a pas eu un seul ami, ni un seul amant. Et parce qu’on a du mal à croire que le féminisme, en 2013, soit incarné par une femme qui ne peut réussir qu’en étant seule, malheureuse, et en faisant des crises de nerfs à répétition devant son chef.

Malgré tout, Bigelow et son scénariste, Mark Boal (ancien reporter de guerre) signent là un thriller palpitant, et c’est cette même froideur de ton « journalistique » qui, au final, leur évite tout manichéisme (or, on sait que le sujet s’y prête). Lorsqu’à la suite d’un assaut final angoissant de quarante minutes, Ben Laden – « spoiler alert » – est enfin tué, on s’attend à une explosion de joie. A des soldats victorieux qui se serrent la main en souriant. A ce que Maya obtienne une promotion, ou une médaille. A ce qu’on nous montre, peut-être, l’intervention télévisée de Barack Obama, dans la nuit du 2 mai 2011. Mais non. Au lieu de se rouler dans une insupportable autosatisfaction patriotique, ‘Zero Dark Thirty’ se contente de dire aux Américains, au terme d’une traque sans merci : Ben Laden est mort. Et après ?

Écrit par Anaïs Bordages

Détails de la sortie

  • Noté:15
  • Durée:157 mins
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