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Play - Urban game
CC by Richard Potts

La rue comme terrain de jeux

Nouvelles pratiques urbaines

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Existe-t-il plus grand terrain de jeux que la rue ? A cette question toute rhétorique, la réponse est, évidemment, non - hormis peut-être la forêt, mais enfin ce n'est pas le sujet. Car dans la rue, il y a des joueurs. Une multitude de joueurs. Ainsi, lors de l'arrivée du Tour de France, sur les quais de Seine devant la place de la Concorde, des ados fumeurs de joints jouaient au chat et à la souris avec la brigade fluviale - et comme souvent, les félins ont gagné la partie. Autre exemple, à l'époque où ils n'avaient pas un rond, les surréalistes imaginaient mille-et-un moyens de passer leurs après-midis de désœuvrement en improvisant des jeux plus ou moins poétiques, imaginant par exemple des formes de balades aléatoires à travers Paris, dont le principe était on ne peut plus simple : suivre les plus jolies filles qu'ils voyaient à l'horizon, en passant de l'une à l'autre sans se faire repérer (ce qui peut demander une certaine réactivité). Pour à la fin, leur offrir une fleur. Mignon, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, des lascars à Châtelet font d'ailleurs a peu près la même chose. En zappant juste l'étape fleuriste - ce qui rend le truc souvent moins charmant, certes.

Clandestinité

Bref, la rue ne demande qu'à être occupée, mise en scène... Ce qui nous renvoie à la fois aux situationnistes, à l'organisation britannique « Reclaim the Streets », aux Anonymous de Wall Street et aux fameuses zones autonomes temporaires (ou T.A.Z pour « Temporary Autonomous Zone ») de l'anar 2.0 Hakim Bey. Mais depuis quelques années, d'autres types de jeux ont émergé au sein des grandes métropoles. D'abord dans la clandestinité. Ainsi, pour l'exploration urbaine de sites abandonnés (Urbex), la discrétion est de rigueur. De même, rappelons qu'en France, les graffitis peuvent être passibles d'une amende de 1 500 à 30 000 euros - en revanche, l'ivresse sur la voie publique plafonne à 150.

« Parkour »

Du coup, de nombreuses activités se sont développées dans un plus grand souci de légalité, à commencer par les loisirs sportifs. Dont le plus célèbre est certainement la pratique du « parkour », né dans les années 1930 et démocratisé par David Belle, Sébastien Foucan et les fameux yamakazis. Le principe est simple - et rappellera aux adeptes du retrogaming le bon vieux jeu vidéo 'Prince of Persia' (ou 'Assassin's Creed' pour les plus jeunes) : art du déplacement inspiré de l'hébertisme et des arts martiaux, le parkour consiste en effet à établir un itinéraire urbain semé d'embûches (autrement dit, absolument impraticable pour le buveur de bières moyen) et à le sillonner avec un maximum d'efficacité et de rapidité. Parmi les branches du parkour, le « free run », particulièrement spectaculaire, consiste, pour le « traceur » (celui qui court), à enchaîner les obstacles avec un maximum d'acrobaties. Bien sûr, tout cela peut être adapté au vélo ou au skate, hors de tout cadre formel défini (on parle alors de « freeride »).

« Street golf »

Dans un tout autre genre, peut-être plus étonnant et moins exigeant en termes de virtuosité pulmonaire, on trouve le « street golf » (ou « urban golf »), dont  le collectif Le 19e Trou s'affirme en France, depuis sa création en 2004, comme le fer de lance. Respectueux de l'environnement urbain à travers l'utilisation de balles en mousse semi-rigides, le street golf se joue sans tee, à même le bitume, et vise différents types de cibles (une gouttière, une bouche d'aération...). A Paris, le Trocadéro, les quais de Seine ou la Défense constituent ainsi des terrains de jeux privilégiés pour ces néo-golfeurs, loin des greens hors de prix.

Toutefois, le sport de rue est avant tout une tendance internationale, qui n'en finit pas de faire parler d'elle. Sorti en 2010, le documentaire américain 'New York Street Games' s'efforçait ainsi de mettre à l'honneur les nombreux sports urbains pratiqués dans la Grosse Pomme (double dutch, stickball, skully...), aux côtés desquels pourrait s'inscrire la capoeira afro-brésilienne (mélange de danse et de sport de combat acrobatique), dont on peut parfois voir d'impressionnantes démonstrations sauvages, rue Montorgueil, le vendredi soir...

Chasse à l'homme

Ceci dit, la ville n'est pas seulement un terrain de sport, elle peut constituer une carte, un territoire à découvrir et arpenter : ainsi, la Chasse au trésor de Paris transforme-t-elle, depuis sept ans, au mois de juillet, Paris en grand jeu de pistes. Sans doute un peu moins bon enfant, Streetwars organise par ailleurs à Lyon (cette année au mois de septembre) une chasse à l'homme gratuite et grandeur nature - à l'aide, heureusement, de pistolets à eau. A Paris, près de Bercy, le concept se voit quant à lui décliné, en version payante, à l'aide de GPS avec The Target. De quoi pimenter les enterrements de vie de garçon autrement qu'avec des strip-teaseuses.

Enfin, quelques allumés new-yorkais, sans doute nostalgiques du gros pixel, investissent les rues depuis 2004 pour jouer à un étonnant « Pac-Manhattan », recréant autour de Washington Square le parcours labyrinthique du mythique jeu vidéo, déguisés en fantômes et en petite boule jaune... Etonnant, non ? Encore que, pour ceux qui n'aiment pas trop courir, on a toujours une autre solution, elle aussi bien eighties... à bon entendeur ! 

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