Moderne, la musique de Debussy l’est par son intransigeance, son refus des structures stables, des béquilles mélodiques, des harmonisations flatteuses. Ainsi ses pièces ne fonctionnent pas tant linéairement, comme un discours alternant tensions et détentes (vieille rengaine de la musique tonale) que comme une simultanéité de couleurs, d’impressions modales, de brèches ou d’étonnements. D’une certaine manière, dès la fin du XIXe siècle, Debussy anticipe les expérimentations atonales de Schönberg, mais avec une sensualité souple, rêveuse, procédant par petites touches. Aussi le parallèle entre sa musique et la peinture, ou la poésie (Debussy ayant composé pour Mallarmé son célèbre et magique ‘Prélude à l’après-midi d’un faune’), semble-t-il intuitivement fructueux.
L’exposition du musée de l’Orangerie, ‘Debussy, la musique et les arts’ paraît donc stimulante et bienvenue, permettant au visiteur de se plonger dans l’atmosphère intellectuelle et esthétique qui baigna le compositeur de ‘Pelléas et Mélisande’. On y croise quelques beaux tableaux de Vuillard, de Manet ou Redon, des photographies prises par Degas, des estampes japonaises, quelques objets de collection personnels ou des sculptures de Camille Claudel… Seulement, au final, cette impressionnante exposition nous en apprend bien davantage sur le contexte que sur l’œuvre. Voire, Debussy a parfois même tendance à passer au second rang (un peu comme si l’on se rendait à la soirée d’anniversaire d’un type qu’on ne croiserait qu’en cuisine). Notre conseil, donc, pour cette exposition qui mérite quand même le détour : agrémenter sa visite de quelques mp3 de choix (‘Children’s Corner’ étant une des œuvres de Debussy que l’on conseillera à qui souhaite s’y frotter), pour profiter au mieux des synesthésies possibles entre sa musique et les œuvres ici proposées.