Certaines pièces peuvent avoir une vingtaine d’années sans pour autant souffrir de leur âge. C’est le cas de 'Them', performance conçue et réalisée par le chorégraphe américain Ishmael Houston-Jones et traitant de l’homosexualité et de la maladie, à partir des textes de Dennis Cooper (lauréat à la fin des années 1990 du prix Ferro-Grumley de littérature gay). De courts récits qui mêlent alcool, sexe, drogue et suicide. « Bunker Speckles, 28 ans, était à une fête. Il s’était shooté à l’héroïne plus tôt ce soir-là et il pensait qu’il était redescendu de son trip… » Une écriture à la fois acerbe et poétique magnifiée par le timbre tendre et la voix posée de l’écrivain. Installé dans un coin du plateau micro en main, le romancier nous parle d’« eux ». « J’avais sans doute trouvé ce qui serait mon but : devenir comme eux », confie-t-il au début du spectacle.
Accompagné par la guitare électrique de Chris Cochrane, le témoignage engagé de l’artiste new-yorkais n’a pas pris une ride. Sur scène, sept danseurs dressent le portrait de jeunes gays et mêlent leur corps à l’âpreté de la musique de Cochrane. Improvisation, cacophonie et poésie : si à l’époque le travail du trio était profondément controversé (voire même parfois censuré), il est aujourd’hui applaudi sur des scènes publiques et largement plébiscité. Et pour cause, la rencontre de Houston-Jones, Cooper et Cochrane a quelque chose d’historique. L'intensité de l'écriture chorégraphique, l’extrême beauté du chant parlé de Cooper ajouté à la partition anguleuse du guitariste sur un plateau, nous offrent l’occasion d’assister à une heure parfaite à la fois follement dure et particulièrement inspirante. Sur scène, les ombres gigantesques des danseurs se mêlent aux courses-poursuites, les mots se cognent aux sons, les sentiments aux émotions. On en sort presque chancelant.