Il n’aura fallu à Cécile de France qu’un sourire pour que dans la salle les applaudissements retentissent. Comme si la seule présence de l’actrice sur les planches suffisait à assurer quelques encouragements sonores. Gageons d’ailleurs que le succès de la pièce d’Emmanuel Daumas n’est pas étranger à sa présence au générique : la presse en parle, la salle est pleine. Il faut dire que sur le papier, ce spectacle musical mettait l’eau à la bouche : Gainsbourg, Cécile de France et le souvenir des sixties dans le regard tendre d’Anna Karina. Une ouverture de saison comme on les aime, chargée de promesses.
Les premières minutes sont pourtant bien décevantes. Lunettes remontées sur la crête du nez et sourire appuyé, Cécile de France incarne dans une première partie décousue une Anna caricaturale, presque translucide. Dirigée comme une marionnette dans une mise en scène composite où le texte, réduit à sa portion congrue, ne laisse que peu de clefs au spectateur, Cécile de France ne convainc pas. Seule la scénographie déroulée à toute berzingue séduit par sa vivacité : un Paris qui défile sur les murs, des paravents au plastique tendu, des vidéos à l’infographie pleine d’imagination… De belles scènes naissent ainsi, en creux, grâce aux jeux de paravents et des projections : lorsque Serge (Grégoire Monsaingeon) se colle fiévreusement au fantôme d’Anna, s’épuisant de désir jusqu’au déchirement ; lorsqu’Anna interprète en live avec rage une version punk-rock de "Rollergirl" ; lorsque leurs corps se posent avec douceur à l’avant-scène dans un murmure chanté…
Si l’histoire d’Anna n’est pas racontée avec simplicité, elle est au moins au cœur d’un processus high-tech soigné, d’un souci réel d’appréhender l’œuvre de Koralnik avec un nouveau souffle, pas tout à fait Nouvelle Vague, mais presque.