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Les Trois Sœurs version Androïde

  • Théâtre, Expérimental
  • 4 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Au théâtre aussi on peut faire de la science-fiction. Preuve en est avec ‘Les Trois Sœurs, version androïde’, une pièce écrite et mise en scène par le Japonais Oriza Hirata. Prenant comme point de départ la célèbre œuvre de Tchekhov, il trace un grand écart magistral entre la Russie des tsars et le Japon post-Fukushima. Ce qu’il a gardé du drame : le contexte familial et social (trois sœurs et un frère, un père décédé depuis peu, un pays sur le déclin), les préoccupations de la vie quotidienne, le mal de vivre et la soif d’ailleurs. Ce qu’il y a ajouté : une dimension futuriste grâce à un robot employé de maison (Muruoka) et à la benjamine des sœurs, remplacée par un androïde (Ikumi).

Oriza Hirata, figure de proue de la scène théâtrale japonaise (monté par Frédéric Fisbach au Festival d’Avignon en 2006, et déjà présent au Festival d’Automne en 2008), est un avant-gardiste en matière d’utilisation de robots sur scène, travaillant en étroite collaboration avec Hirochi Ishiguro, éminence grise de la recherche sur les androïdes. En soi, la transposition des ‘Trois Sœurs’ au Japon suscitait déjà l’intérêt ; associée à l’utilisation d’automates sur scène, la pièce n’en est devenue que plus captivante. Le personnage de Muruoka – robot « ordinaire » tel qu’on le fantasme habituellement, avec des allures de jouet géant – interroge par son intelligence et son empathie. Mais c’est surtout l’androïde d’Ikumi, au physique et à la voix humaine, qui reste la plus troublante. Hirata a choisi ce classique du répertoire « afin de prouver que les robots étaient capables de jouer n’importe quel rôle ». Il est vrai que l’on est scotché aux lèvres artificielles des deux robots, mais est-ce pour leur jeu d’acteur ? Pour l’heure, leurs mouvements sont encore très limités, il n’est donc pas évident qu’ils puissent « tout » jouer. Heureusement, leurs partenaires de chair et d’os donnent le change, affichant un jeu naturel (comprendre : un naturel japonais), qui correspond à l’écriture très « parlée » de l’auteur.

Aux problématiques théâtrales se greffent des sujets de société. Le retournement de situation qui survient – Ikumi est toujours vivante, elle s’était retranchée du monde – met en exergue un phénomène social du Japon : les « hikikomori » comme on nomme les (souvent jeunes) personnes vivant cloîtrées chez elles sans jamais sortir. Mis en parallèle avec l’existence de robots domestiques, on se demande si ceux-ci ne deviendront pas un facteur d’aggravation du phénomène, qui pourrait dans le pire des cas aboutir à l’isolement total des êtres humains chez eux, laissant les automates sortir à leur place (ce qui est d’ailleurs le thème du court métrage ‘Shaking Tokyo’ du réalisateur coréen Joon-ho Bong, qui fait partie du tryptique ‘Tokyo !’).

L’adaptation, somme toute heureuse, fonctionne grâce à la bienveillance partagée des deux auteurs pour leurs personnages, à la prise en compte pertinente des spécificités liées à la culture japonaise, à la présence fascinante de robots sur scène, et aux multiples portées philosophiques qu’elle ouvre. Du 16 au 20 décembre, vous pourrez également découvrir ‘Sayonara Ver. 2’, une pièce plus courte d'Oriza Hirata, mettant en scène un androïde lisant des poèmes à une jeune fille mourante.

Infos

Site Web de l'événement
www.festival-automne.com
Adresse
Prix
De 9 à 24 euros
Heures d'ouverture
Les 15, 18, 19 et 20 décembre à 20h30, le 16 décembre à 16h
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