A des années lumière de la comédie musicale qui se trame en ce moment à Hollywood (après avoir brûlé les planches de Broadway), et se distinguant des innombrables versions servies au fil des décennies, la Compagnie L’Envers des Corps “encre” le chef d’œuvre d’Hugo dans le concret de la précarité actuelle.
Prenant le parti de la jeunesse, Elsa Granat — metteur en scène et auteur de cette adaptation contemporaine des ‘Misérables’ — retrace le parcours initiatique de Cosette, Marius, Eponine et Gavroche, et s’adresse à un public d’enfants (à partir de 8 ans) aussi bien que d’adultes.
“Quatre enfants au départ du roman : deux filles, deux garçons.
Bilan : deux morts, deux vivants.”
Confrontés à des situations de violence et de dénuement extrêmes, les quatre jeunes gens tentent bon gré mal gré de se construire un futur, une meilleure vie, de devenir quelqu’un, tout en évitant les balles. Quid des adultes dans tout ça ? Martyre, bourreau, sauveur, assassin, leurs modèles effraient plus qu’ils n’inspirent. La mise en scène, alliée à l’écriture moderne, dépoussière le pavé tout en lui conservant sa beauté tragique. Sans affect ni pathos pour autant, les acteurs jouent au temps présent, interprétant l’épopée qui, dès la première scène de Fantine (Claire Méchin, lumineuse tricarde) à Pôle Emploi, éclabousse les spectateurs d’une rincée de réel.
Objet artistique d’une justesse et d’une poésie redoutables, le projet recèle une dimension humaine et pédagogique salutaire ; en parallèle aux représentations, les jeunes spectateurs sont invités à participer à des ateliers de théâtre autour des enjeux et thèmes de la pièce.
Un spectacle nécessaire, une compagnie à suivre absolument.