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Muerte y reencarnación en un cowboy

  • Théâtre, Expérimental
  • 5 sur 5 étoiles
  • Recommandé
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Rodrigo Garcia, le metteur en scène passé maître dans l’art de la provocation et représentant acharné du théâtre altermondialiste, est de retour sur les planches parisiennes avec une nouvelle œuvre dérangée et dérangeante.
Sa précédente pièce jouée en France, ‘Golgota Picnic’, s’était attirée les foudres des chrétiens extrémistes (comme celle de son confrère italien Romeo Castellucci, ‘Sur le concept du visage du fils de Dieu’). Cette fois-ci encore il choque, mais pas pour les mêmes raisons.

Sur scène, les attributs habituels du démiurge argentin sont convoqués : soit la vidéo, les sons saturés, les corps nus, ou encore les animaux. Pourtant, ‘Muerte y reencarnacion en un cowboy’ marque une nouvelle étape dans son travail, de par sa nature de dyptique qui sépare forme et fond. En effet, la parole n’intervient que dans la seconde partie du spectacle, alors que chez lui le texte est d’ordinaire intrinsèquement lié aux propositions physiques et scéniques. Or, si le théâtre de Rodrigo Garcia s’inspire incontestablement du réel, voire du banal, il n’a rien d’ordinaire. Comme le démontre la première partie du spectacle, qu’on pourrait qualifier de « mortelle » (en référence au titre, et avant la réincarnation dans un deuxième temps).

Dans une fureur anarchique, Juan Loriente et Juan Navarro, collaborateurs de longue date de Garcia, affichent une liberté primitive, brutale et potentiellement destructrice. La plupart du temps à poil ou presque, les acteurs parcourent la scène dans tous les sens. Dansant tantôt sauvagement en se frottant au sol à des guitares électriques pour en extraire le jus sonore saturé et infernal, tantôt délicatement en esquissant de concert quelques pas de deux classiques. Le tout en arborant des cagoules à grelots qui sonnent un brin SM, comme cette photo bondage que montre une geisha servile. Isolée dans une pièce visible uniquement par le biais de vidéos diffusées sur scène, et accessible par un couloir à jardin, elle est rejointe par les deux énergumènes qui continuent de festoyer dans un joyeux bordel. De retour sur les planches, la débâcle se poursuit autour d’un taureau mécanique.

Un grand foutoir un peu agressif pour le spectateur, désarçonné, mis à mal dans sa position de voyeur passif, et c’est bien l’effet recherché. Car si d’aucuns s’indignent en ne voyant ni queue ni tête dans ce défoulement grotesque, qu’on se détrompe : rien n’est gratuit chez Garcia. Seulement, le public, laissé à sa réflexion, est ainsi libre d’interpréter les images et de créer ses propres liens.

Après l’effort, la débandade, le déferlement jubilatoire et irrévérencieux, les corps se calment, se rhabillent, enfilent des tenues de cowboy. Dans un aquarium, des poussins, au milieu desquels on posera un chat. Séparés par une paroi transparente, les animaux, proies et chasseur, n’interagiront pas. Peut-être une nouvelle boutade de la part de l’artiste qui avait déjà remis en cause notre condition d’humains ayant perdu leurs instincts et oublié qu’à l’origine, il nous fallait tuer pour manger.
C’est ainsi, dans cette respiration salvatrice, que la parole survient. Les deux acteurs, après s’être livrés au vacarme, au tapage et au ridicule, incarnent désormais la classe américaine, lunettes miroir à l’appui, sirotant leurs bières sur des chaises longues. Et de nous exposer sur un ton grinçant et d’une mélancolie abyssale leurs préceptes de vie, leurs visions sur le rire et le couple, leur philosophie du « désastre ».

Si la pièce choque de par sa composition radicale et sa démence assumée, si elle n’est peut-être pas la plus lisible ni même la plus réussie de Garcia à ce jour, elle n’en demeure pas moins une œuvre remarquable et d’une richesse inouïe. A celui qui la verra de lui trouver du sens, car elle regorge assurément de poésie.

Infos

Site Web de l'événement
www.theatre2gennevilliers.com/2012-13
Adresse
Prix
De 9 à 24 €
Heures d'ouverture
Les 11, 12, 16, 18 et 19 janvier à 20h30, le 13 janvier à 15h, et les 15, 17 janvier à 19h30
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