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La Règle du jeu

  1. LA REGLE DU JEU  - Comédie Francaise -
    © Christophe Raynaud de Lage
  2. LA REGLE DU JEU  - Comédie Francaise -
    © Christophe Raynaud de Lage
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Time Out dit

Avec son adaptation du chef-d'œuvre de Jean Renoir, Christiane Jatahy cherche à bouleverser les habitudes de la Comédie Française.

Après l'adaptation des 'Damnés' de Visconti par le Belge Ivo Van Hove la saison dernière, la Comédie Française poursuit son dialogue avec le cinéma avec 'La Règle du jeu' de Christiane Jatahy. Une artiste brésilienne qui a su imposer en quelques années sur la scène française son langage théâtral nourri par le septième art, jusqu'à devenir artiste associée du Centquatre et de l'Odéon – Théâtre de l'Europe. Elle va plus loin que son prédécesseur dans ce métissage. Dans la belle salle Richelieu, l'écran géant installé à l'endroit du rideau de scène annonce en effet d'emblée sinon la primauté de l'image sur le théâtre, du moins un équilibre entre les deux formes d'expression. Au risque de crisper les puristes du français.

Renoir à l'ère du vide

La provocation ne va guère beaucoup plus loin. Après un film de vingt-six minutes – durée précisée par Jérémy Lopez dans le rôle Robert, riche propriétaire d'une belle demeure parisienne où il invite ses amis –, les comédiens s'emparent du plateau en une sorte de cabaret mené piano battant par l'excellent Marcus Borja, musicien et metteur en scène dont on pourra bientôt voir le travail à la Cité Internationale. Comme dans 'What if They Went to Moscow', adaptation des 'Trois Sœurs' de Tchekhov, Christiane Jatahy met la fête au centre de sa 'Règle du jeu'.

Alors que Renoir introduisait son film par le retour d'André Jurieux d'une traversée de l'Atlantique en avion et prenait le temps de présenter chacun de ses personnages à travers une succession de dialogues intimes, nous faisons ici connaissance avec eux une fois qu'ils ont déjà revêtu leur masque social. Dans un brouhaha de rires et de chants certes brillamment interprétés, mais qui couvre le fond tragique des intrigues sentimentales imaginées par le réalisateur. Si entre une chanson de variété et une course-poursuite dans les allées du théâtre, on finit par comprendre qui trompe qui et qui voudrait bien entrer dans la ronde, on guette en vain l'inquiétude jamais formulée qui traverse le film de Renoir.

Un jeu trop présent

Montrées sans ambiguïté par l'artiste brésilienne, les ressemblances entre l'Europe de l'époque du réalisateur et celle d'aujourd'hui peinent en effet à troubler. Alors qu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Renoir avait choisi de dire la catastrophe « précisément en ne parlant pas de la situation et en racontant une histoire légère », affirmant puiser son inspiration dans Beaumarchais, Marivaux et les autres classiques de la comédie, l'adaptation de Christiane Jatahy est clairement ancrée dans le présent.

Son André Jurieux (Benjamin Lafitte) revient d'un sauvetage de migrants en Méditerranée. Sa Christine (Suliane Brahim), épouse de Robert aimée par André Jurieux, est non plus une Autrichienne fille d'un chef d'orchestre mais une fille d'un immigré maghrébin. De riche marquis collectionneur d'automates, Robert devient quant à lui un passionné de cinéma et de nouvelles technologies. Trop explicites pour susciter une interrogation ou une gêne quelconque, ces éléments du réel rejoignent chansons et déguisements dans la parade de séduction orchestrée par Christiane Jatahy.

Écrit par
Anaïs Heluin

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