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Sur les cendres en avant

  • Théâtre
  • 4 sur 5 étoiles
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Un conte féministe cruel et burlesque qui ne se prend jamais au sérieux.

Pierre Notte a le goût de l'après-catastrophe. De la vie sur décombres et sans rien d'autre. Dans ‘Pédagogies de l'échec’ (Avant-Scène Théâtre, 2014), créé durant le dernier Festival d'Avignon par Alain Timar, un homme et une femme se relèvent dans les bureaux de leur entreprise après un désastre – guerre ou tremblement de terre, on ne sait pas trop – et tentent de poursuivre leurs activités. Leurs traitements de dossiers et leurs conflits hiérarchiques. Les protagonistes de 'Sur les cendres en avant' ne sont pas plus gâtés par le sort. Mise en scène par l'auteur lui-même, qui assure aussi le rôle de compositeur et de scénographe, cette pièce chantée débute après un incendie aux causes mystérieuses. Mais que les personnages semblent accepter comme un malheur parfaitement normal. D'emblée, on oscille entre absurde et naturalisme. Entre tragique et comique.

Avant le premier chant, la voix off de Nicole Croisille apporte à ce mélange une ironie subtile et une légère distance par rapport à ce qui se joue sur le plateau. Elle commente avec une pointe d'humour noir la scénographie du spectacle. Décrit le décor que l'on voit et celui que l'on ne voit pas – par manque de moyens de la production, dit-elle, le spectateur devra faire des efforts d'imagination : la scène divisée en deux parties bien distinctes avec d'un côté, l'appartement calciné de Mademoiselle Rose (Chloé Olivères), et de l'autre celui, spartiate mais intact, de Macha (Blanche Leleu) et sa sœur Nina (Elsa Rozenknop). Entre les deux : plus rien. La cloison qui séparait les deux foyers a disparu pendant l'incident, obligeant les voisines à partager un même espace. La pianiste Donia Berriri se met à jouer. Seulement quelques notes pour commencer, puis toute une mélodie. Enfin, Blanche Leleu et Elsa Rozenknop prononcent les premières répliques. Les premiers couplets.

Bientôt rejointes par une femme armée, épouse délaissée d'un gitan converti au christianisme, les trois femmes entonnent leurs malheurs et leur solitude avec un naturel étonnant. Si ‘Sur les cendres en avant’ emprunte largement à l'esthétique de la comédie musicale à la Jacques Demy, c'est pour créer autre chose. Une forme hybride dont Nicole Croisille – comédienne et chanteuse, elle s'est notamment illustrée dans la comédie musicale – est l'emblème. Au théâtre, surtout depuis Brecht, le chant est le plus souvent un outil de mise à distance ; il est ici un langage à part entière, où cohabitent trivial et sublime. Un canevas complexe, dont les mots et les notes composent un récit doux-amer fait de petits riens, qui bout à bout dessinent un chemin vers la reconstruction.

Progressif, le dévoilement des failles des personnages se fait sans pathos. Le chant magnifie jusqu'à l'ordre répété de Macha à sa sœur Nina de manger son muesli, ou la scène du feu allumé par Mademoiselle Rose avec des biscottes, seuls vestiges de son existence d'avant l'incident. Pierre Notte ne verse jamais dans le larmoyant. Même pour nous apprendre que Macha se prostitue pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa sœur. Que Mademoiselle Rose connut un amour fou pour un circassien, dont la triste fin lui fit perdre la raison, ou encore que pour réaliser son rêve de devenir une grande danseuse de claquettes, Nina se pèle les jambes à l'aide d'un épluche-légumes. Cruel et burlesque, ‘Sur les cendres en avantest un conte féministe qui ne se prend jamais au sérieux. Une drôle d'histoire pleine de fantaisie fellinienne, poignante comme ‘Les Parapluies de Cherbourg’. 

Écrit par
Anaïs Heluin

Infos

Site Web de l'événement
www.theatredurondpoint.fr
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Prix
31 €
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