À Marseille, le sacre des accords mets et vaisselle
© Lou Thomas
© Lou Thomas

À Marseille, le sacre des accords mets et vaisselle

Le goût du bon, c’est aussi le goût du beau. C’est peut-être pour ça que dans les restos à Marseille (comme ailleurs), la vaisselle est en train de devenir aussi sacrée que la cuisine. Et ça fait les affaires des céramistes de talent de la ville.

Publicité

Derrière le sourire irradiant, on décèle une pointe de fatigue. C’est que Lou Thomas, 28 ans, croule sous les commandes. Une excellente nouvelle pour la céramiste marseillaise d’adoption qui est devenue, en l’espace de quelques années seulement, l’une des fournisseuses de restaurant les plus courues de l’Hexagone. Elle travaille ces temps-ci pour des dizaines d’adresses entre Paris et le Sud, dont l’hôtel Présent à Arles et le Christine à Paris, récemment repris par le chef Rodolphe Despagne, à qui elle vient de livrer 250 pièces créées en l’espace de deux mois !

À Marseille, le sacre des accords mets et vaisselle
© Lou ThomasCollection "un dîner sous les étoiles" Lou Thomas

Une ascension démarrée en 2020, quand Lou Thomas est approchée par un ex-Top Chef qui prépare l’ouverture de son premier restaurant. « À l’époque, j’avais fait trois ou quatre assiettes, pas plus. Première commande : il m’en prend 150 ! », se souvient-elle. Mises au parfum, d’autres tables parigotes dans le vent la contactent, comme le « comptoir culinaire et musical » Pantobaguette (18e), ou encore le restaurant ChoCho du chef Thomas Chisholm (10e).

La céramique pour tous

Car l’intérêt pour la céramique dépasse désormais les frontières de la haute gastronomie, où elle a longtemps été cantonnée. « Les cuisiniers étoilés se sont penchés sur la vaisselle d’artisans il y a déjà un moment. Mais le phénomène a vraiment pris de l’ampleur à la naissance de la bistronomie, analyse Lou Thomas. Selon moi, la céramique au resto, c’est la grosse tendance qui a succédé à celle des assiettes vintage dépareillées. » 

Justine Pruvot, cheffe itinérante installée à Marseille et fondatrice de Touillet, sa marque d’arts de la table, ne dit pas autre chose : « L’expérience au restaurant est de plus en plus complète parce que les gens sont de plus en plus exigeants. Chaque détail compte. Quand je vais déjeuner ou dîner quelque part, je ne suis plus la seule à soulever mon assiette pour voir d’où elle provient…  »

Plus belle l’assiette : la céramique envahit les restos marseillais
© Anna Leonte LoronLa collection « Le Rade » disponible sur le site Touillet.com.

À travers Touillet, Justine Pruvot, passée par la publicité avant de se reconvertir en cheffe à l’âge de 30 ans, entrecroise ses deux dadas : la cuisine et le travail d’artisanes qu’elle admire. À commencer par celui de Lou Thomas, avec qui elle imaginait, il y a deux ans, une assiette à soupe en spirales, faite de terre chamottée et recouverte d’émail naturel. Mais aussi, plus récemment, celui de l’artiste designer Marie Jeunet. Ensemble, elles viennent de signer une nouvelle collection baptisée Le Rade, pensée autour des codes – très actuels – du bar de quartier. Au programme : sous-bock, porte-œuf dur, piques à olive… « Avec chaque objet – quelle que soit la collection dont il est issu – est livrée une recette imaginée en accord », précise Justine Pruvot. Comme cette gougère au comté et au jambon, bouchée parfaite à déposer au côté d’un verre de vin blanc sur cet élégant dessous de verre en laiton recouvert d’argent. 

À Marseille, le sacre des accords mets et vaisselle
© Anna Leonte LoronLa collection « Le Rade » disponible sur le site Touillet.com.

Marseille dans le S

Si elle n’avait pas quitté Paris pour Marseille en 2021, Justine Pruvot en est persuadée : elle n’aurait pas mené à bien son projet, lancé deux ans plus tard. « Ici, il y a beaucoup moins de regards, beaucoup moins de pression. » Plus d’inspiration aussi, abonde la céramiste Lou Thomas, soucieuse de se servir de la nature et de la mer environnantes à chaque étape du processus créatif qu’elle mène de concert avec les chefs qui la sollicitent. « Dernièrement, j’ai travaillé pour Loïc Voron, le chef pâtissier de la Palme d’Or à Cannes (une étoile au Guide Michelin, ndlr), qui voulait des pièces rappelant l’univers marin, un thème qui m’inspire énormément. Comme souvent, j’ai utilisé la technique du martelage dont le résultat évoque à la fois les écailles de poisson et les coquilles d’oursin. »

Fondre les assiettes dans le décor, c’est aussi l'un des talents de Caroline Bartoli et France Bocognani. Sous le nom de Franca, les deux céramistes basées à Marseille réalisent à quatre mains, depuis 2019, vases et objets décoratifs en tout genre. Au fil du temps, elles ont commencé à fournir plusieurs restaurants du coin, dont la Mercerie, Cantoche, Sépia, ou encore l’Île Degaby, bar-restaurant posé sur l’île éponyme, ouvert d’avril à novembre et seulement accessible par la mer. « Il fallait imaginer des assiettes en phase avec le lieu, très brut et bordé par l’eau », détaille Caroline Bartoli. De cet impératif sont nées d’épaisses assiettes en grès aux nuances et textures variées, évoquant les trois matériaux caractéristiques de l’île : la pierre, le bois et l’acier rouillé. 

Plus belle l’assiette : la céramique envahit les restos marseillais
© France Bocognani et Caroline Bartoli (Franca Atelier)

Mais il ne faudrait pas non plus que, si belle soit-elle, l'assiette vole la vedette aux chef(fe)s. « S’effacer derrière les mets », c'est le mot d'ordre chez Franca. « Ce qui n’exclut pas de jouer avec les formes et la couleur », dit Caroline Bartoli. Un jeu d’équilibriste dont raffole aussi Lou Thomas, pour qui « céramique et cuisine sont faites pour s’influencer l’une et l’autre ». 

Recommandé
    Vous aimerez aussi
    Vous aimerez aussi
    Publicité