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Dans les coulisses de l'expo 'Osiris, mystères engloutis d'Egypte'

Écrit par
Emmanuel Chirache
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Notre guide elle-même n’en revient pas : Sophie Lalbat, membre de l’Institut Européen d’Archéologie Sous-Marine (IEASM), pose délicatement sa main sur cette statue millénaire qui se trouve devant elle en disant : « Après tout, c’est pour ça qu’on les exhume, ces objets, pour les toucher ! » Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on peut se balader tout seul en plein montage d’une exposition et caresser un sphinx en granite datant de l’Egypte ancienne. Certes, l’installation n’est pas encore terminée, et on imagine à peine l’immense tâche qui attend encore les ouvriers et artisans mobilisés pour finir le travail, mais l’atmosphère singulière de ‘Osiris, mystères engloutis d’Egypte’ nous saisit déjà. Ces mystères, ce sont ceux exhumés depuis 1996 par Franck Goddio, archéologue sous-marin qui a fait la découverte exceptionnelle de deux villes englouties dans la baie d’Aboukir, le grand port de Thônis-Heracleion et Canope.

Après une première exposition au succès retentissant au Grand Palais en 2006, le résultat de fouilles plus récentes est présenté aujourd’hui à l’Institut du Monde Arabe, soit 296 objets et statues retrouvés sous l’eau sur ce même site. Cette fois, le commissaire de l’exposition Franck Goddio a choisi l’angle des mystères d’Osiris, une cérémonie religieuse qui porte bien son nom, tant peu d’informations ont filtré au sujet de son déroulement. Il s’agissait de rejouer à l’intérieur d’un temple le mythe selon lequel le premier pharaon d’Egypte Osiris aurait été tué par son frère Seth, puis découpé en petits morceaux et jeté dans le Nil. Ressuscité par sa sœur et épouse Isis (le christianisme n’a rien inventé), il revient régner sur le royaume des morts, tout en conquérant d’autres titres au fil de sa légende, jusqu’à devenir le dieu syncrétique Sérapis sous l’influence des colons grecs, une sorte de beau barbu qui ne détonerait pas dans un bar parisien.

Une tête de prêtre trouvée lors des fouilles.© Christoph Gerigk © Franck Goddio/Hilti Foundation

Le déroulement de l’exposition répond à un code couleur : en bleu, les objets retrouvés dans la mer, en rouge ceux qui sont prêtés par différents musées. Au fil des salles, les éclairages et la couleur des murs donnent l’impression au visiteur d’être sous les eaux, comme s’il était l’archéologue de sa propre déambulation, imaginant découvrir lui-même les objets qu’il contemple. Qu’il s’agisse du colossal dieu Hâpy, lequel nous accueille à l’entrée, ou le détail des statuettes minuscules d’Osiris, amulettes utilisées par les fidèles, chaque objet porte la marque d’un soin et d’une minutie extraordinaires. Le grand nombre de ces statuettes votives témoigne aussi de la ferveur qui entourait le culte d’Osiris. Réalisée principalement dans l’intimité des temples, la cérémonie des mystères s’accompagnait d’une grande procession entre les deux villes. De ce moment, il nous reste la vue de petits sarcophages renfermant la momie d’Osiris reconstituée à partir de limon du Nil et la photo d’une immense barque retrouvée par Franck Goddio, l’un des rares objets en bois ayant survécu à l’érosion, qui servait à conduire Osiris vers sa dernière demeure. Bien entendu, beaucoup de questions autour de ce culte resteront sans réponse, et notre promenade à l'Institut du Monde Arabe ressemble à ces statues dont les pierres précieuses ont été perdues, laissant pour toujours deux trous béants à la place des yeux que l'imagination doit combler.

Le colosse d'un roi débarque à l'Institut du monde arabe.

La statue une fois installée dans l'exposition.© EChirache

Photo grandeur nature d'une barque retrouvée dans les débris, protégée par les sédiments.© EChirache

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