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Avignon Off 2014 : coups de cœur et coups de gueule

Que voir cet été dans le Off ?

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Chaque année, c'est pareil. Il y a tellement de spectacles dans le Off que vous ne savez pas où donner de la tête. Quels spectacles faut-il voir ? Lesquels pourriez-vous rater ? On vous dit tout. Parions que les spectacles de théâtre qui prennent pour sujet la brique sont rares, voire même exceptionnels. Pourtant, c'est bien ce rectangle rouge qui a motivé le très drôle et poétique 'La Brique' de Guy Alloucherie. Un spectacle aux allures de conférence pendant laquelle Guy Alloucherie, à la fois auteur et metteur en scène, convoque ses souvenirs d'enfance. Et parce que dans la région Nord-Pas-de-Calais, la brique était comme un ciment, parce qu'elle recouvrait les rues, et les trottoirs, les toits des maisons et les murs du jardin, la brique est au centre de l'histoire. Fils de mineur, Guy a grandi dans les corons (quartier de maisons ouvrières), mais contrairement aux autres, il est le seul à ne pas être descendu dans la mine. 

Pourtant, ses anecdotes familiales dessinent avec justesse et tendresse les contours de ce que fut autrefois le bassin minier. A l'aide d'un vidéoprojecteur, de citations de grands hommes (Char, Barthes), de quelques chaises, de peluches et bien sûr de briques, Guy décortique les moindres détails de ses photos de famille. Un hommage sensible aux habitants de la région et un prétexte sensible pour faire parler l'Histoire, et rappeler par exemple qu'avant on ne gâchait pas de la péloche avec des photos de paysage ! A la fois conférencier et clown, Guy Alloucherie offre avec 'La Brique' un spectacle fantasque, plein d'humour et d'émotion. Un moment de théâtre intelligent, juste et inédit.

> Présence pasteur, 13 rue Pont Trouca, 84000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 13h

par Elsa Pereira

........................................... Il se prend les pieds dans les fils électriques, se perd dans les rideaux, rattrape les objets qu'il lance in extremis... Patrick Léonard n'est pas de la catégorie des acrobates qui se la jouent, bien au contraire. Il est une sorte de Pierre Richard (tiens donc, encore un avec un nom de famille-prénom) du cirque. Une supposée maladresse qui donne tout son sel à 'Patinoire', spectacle en solo mais signé par la troupe canadienne Les 7 doigts de la main. Une compagnie de cirque bien loin du show off qui entache parfois la beauté du genre. 

Devant un large rideau vert, Patrick Léonard s'escrime à impressionner son public, comme un gosse ses parents. Il court dans tous les sens, s'adresse - accent québécois compris - à son auditoire, et se pare de mille accessoires pour préparer ses prouesses. 75 minutes entre le clown, la contorsion, la jonglerie et l'équilibrisme. 75 minutes qui tiennent beaucoup à la personnalité extrêmement attachante de l'artiste qui, seul en scène, muni d'une dizaine de bouteilles de vin vides, réussit à captiver l'attention de chaque spectateur.

Il faut avouer que malgré ses airs d'acrobates du dimanche, le monsieur cache une puissance  et une technique d'athlète aguerri. Après avoir construit une sorte de Jenga d'enceintes hifi, le voilà qui tente une ascension périlleuse de cette colonne fragile à plusieurs mètres du sol. Scène aussi hilarante qu'effrayante pour le spectateur assis à quelques mètres de cette pyramide instable. Plein d'humanité et de générosité, 'Patinoire' mise sur une dramaturgie cohérente. Ni déluge d'acrobaties, ni costumes à paillettes, simplement la personnalité et le charisme d'un artiste généreux avec son public.

> Théâtre du Chêne noir, 8 bis rue Sainte-Catherine, 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 10h30

par Elsa Pereira

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Difficile de ne pas avoir son tube dans la tête. De ne pas fredonner « c'est la ouate qu'elle préfère » lorsque Caroline Loeb apparait sur scène. La chanteuse au rouge à lèvres carmin et à la clope au bec a laissé derrière elle les années 1980 pour le milieu du XIXe siècle. 'George Sand, ma vie, son œuvre !' nous plonge dans la vie mouvementée de l'écrivaine : son écriture éclectique, ses amours avec Chopin et Musset, ses enfants Maurice et Solange, ses sublimes lettres d'amour, son féminisme courageux. Une vie racontée au travers de monologues pleins d'entrain et de chansons inspirées accompagnées à l'accordéon par Gerald Elliott et au piano par Patrick Laviosa. Un duo de musiciens installé en arrière-scène, derrière un voile qui s'évanouit pendant les chansons et les sépare du plateau le reste du temps. Devant eux, Caroline Loeb s'affaire dans ce qui représente son appartement, le lieu où elle crée. Une chaise en bois, des tapis amoncelés, des piles de livres, un téléphone à cadran... Car si le spectacle mis en scène par le célèbre Alex Lutz évoque George Sand en de multiples détails, il raconte également à la manière d'un journal intime le processus créatif de l'artiste : ses doutes, ses trouvailles, ses longues conversations avec sa mère, sa fille, son producteur. Entre choc générationnel et ode à la dame de Nohant, l'on assiste à la fois au spectacle et à sa création en 1h15. Un moment agréable, mais qui ne restera pas dans les annales non plus.

> Théâtre Au coin de la lune, 24 rue Buffon, 84 000 Avignon
> Du 4 au 27 juillet - 14h30

par Elsa Pereira

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Une salle plongée dans l'obscurité. Des coups de feu. Deux ombres. Et progressivement la lumière se fait sur un lieu désaffecté. Une pièce laissée à l'abandon où règne un certain chaos qui fait écho à ce qui semble se passer à l'extérieur. C'est là qu'une jeune actrice et un étudiant se sont réfugiés, bientôt rejoints par un troisième compagnon d'infortune. Plus âgé. Tous sont transis de peur. Dehors, les balles sifflent toujours. Dans ce huis-clos, les esprits vont rapidement s'échauffer ; chacun défend sa vision du combat, de la politique. Reste que tous ont en commun d'avoir voulu résister à l'oppresseur. Tous ont en commun la peur de cet instant, de cette nuit qu'ils vivent comme la dernière entre deux sursauts d'espoir.

Deux hommes, une femme. Les choses devaient forcément se corser et la rivalité s'installer. La jeune actrice va mener le danse. Au sens propre comme au sens figuré. Dans cette mise en scène, les corps sont engagés. Ils se heurtent, se meuvent dans un seul mouvement. Comme pour donner chair aux mots de Gao Xinjian, auteur de 'La Fuite'. Dissident chinois exilé en France depuis les années 1980, il a écrit ce texte en 1992, trois ans après les manifestations de la place Tian'anmen. Difficile de ne pas faire le lien même si ces mots, cette pièce sont transposables à l'infini. Dans n'importe quel pays où la guerre et le conflit règnent.

> Théâtre du Chêne noir, 8 bis rue Sainte-Catherine, 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 15h

par Géraldine Bouton

........................................... Vue sur un studio parisien. Alors que Jean-Jacques s'apprête à se rendre à son bureau, une jolie blonde se glisse dans son appartement. Après avoir baissé la musique, elle s'installe sur le lit, et attend que le propriétaire sorte de la salle de bain. Il voudra la chasser, elle essayera de squatter et quand elle se décidera à partir, Jean-Jacques réalisera que pour la première fois, alors qu'il collectionne les femmes d'une nuit, il est tombé amoureux. Oui, pour de vrai. Pas d'étonnement, puisque le texte de cette histoire - qui aurait tout autant pu être signé par Marc Levy -  est sorti de la plume de Jean-Claude Carrière. Ce qui en soit est un signal fort. Répliques anecdotiques sur l'exposition solaire du studio, ou encore sur la décoration de l'appartement (une poussive reproduction de Klimt), personnages superficiels interprétés avec tiédeur, et scénographie ringarde et fade : difficile de sauver cette histoire d'amour ni crédible ni passionnante. Alors oui, on ne s'ennuie pas, la mise en scène de Patrick Courtois a beau s'engluer dans cette fable bécasse et pleine de soi, il réussit tout de même à faire de son spectacle un divertissement. Le temps passe vite, heureusement.

> Théâtre de l'Essaïon, 2 bis place des Carmes, 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 14h15

par Elsa Pereira

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Un cierge pascal et une croix encadrent le décor épuré et géométrique d'un couvent. C'est là que la joute verbale entre les deux protagonistes - René Descartes et Blaise Pascal - se déroule. De joute, il n'est pourtant pas question au début. Pascal rend visite à Descartes. Ce dernier s'attend à un moment de philosophie autour de la question du vide avec celui que l'on présente déjà comme un génie scientifique. Mais l'échange prend rapidement un autre tour. Et la conversation se crispe. Le jeune Blaise Pascal, malade et pétri d'angoisses, veut rallier Descartes, le rationaliste, jadis élève des jésuites, au jansénisme. Ainsi le duel va-t-il se jouer autour de la foi et de la pensée scientifique. 

A travers ce texte, son auteur Jean-Claude Brisville met en relief l'intransigeance voire le fanatisme que peuvent engendrer la foi. Le metteur en scène et comédien interprétant Descartes, Gérard Thébault, y a vu une résonance contemporaine : « Nous vivons dans un monde dans lequel persiste notamment l'intolérance en matière de religion, avec une montée des intégrismes difficile à concilier avec l'amour de la liberté. » Un spectacle généreux aux personnages bien campés. A conseiller aux amoureux du beau langage, celui du XVIIe siècle. 

> Espace Saint-Martial, 2 rue Henri Fabre, 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 19h35

par Géraldine Bouton

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Un titre taillé pour nos âmes lubriques. De quoi faire jaillir quelques réflexions sur la luxure, raviver le brasier. Bref, plonger dans la chambre magmatique à la recherche du point chaud... Sauf que 'La Sexualité des volcans' n'est pas vraiment une pièce où l'on file à l'infini la métaphore sexuelle et volcanique. Avouons pourtant que c'était tentant. Sur scène, un homme, costume gris, seul, planté au milieu de quelques roches et d'un portrait d'Haroun Tazieff. Car c'est bien du célèbre géologue dont il sera question tout au long du spectacle. Sans tomber dans l'hagiographie, ni même la biographie, Frédéric Viguier, auteur et metteur en scène, propose de partir, en trois actes, à la découverte de cet homme, dont on ne connaît finalement que les « éruptions » médiatiques. 

La pièce est conçue comme une conférence (dont le thème prétexte est effectivement la sexualité des volcans) donnée par un universitaire (un peu poète) qui se fait rapidement interpeller par le public. D'abord un scientifique (outré de voir la science abordée sous un angle racoleur) puis une jeune ingénue (célibataire et visiblement plus intéressée par la dimension émotionnelle de la conférence) qui finissent par le rejoindre sur scène. Les comédiens forcent peut-être un peu le trait dans les rôles de la candide, du scientifique buté et d'un universitaire à l'allure de commercial sans gourmette. Chacun interprète avec son regard et ses différences des images de volcan. De cet échange se dessine les contours du père de la volcanologie contemporaine et de l'homme dans ses doutes et ses failles. Une manière originale de célébrer le centenaire de la naissance d'Haroun Tazieff, l'homme qui murmurait à l'oreille des volcans.

> Théâtre Alizé, 15 rue du 58e R.I., 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet

par Géraldine Bouton

.......................................... Dehors, la guerre gronde. Des snipers installés sur le toit des immeubles tirent des balles à tout va. Des femmes, des hommes, des enfants s'écrasent mollement sur le bitume, frappés par les balles. Perchés au dernier étage d'un immeuble, derrière la vitre de leur restaurant, Job et sa femme comptent les cadavres. C'est leur petit jeu à eux. Ils sont coiffés d'un bonnet de père Noël, et pendant que leurs filles sont allées s'encanailler dans un bar de la ville, ils passent le temps, et mangent des toasts. C'est alors que la dispute éclate. Prise de colère, exaspérée par son mari, Dalia se munit d'un fusil, menace Job, et alors qu'elle s'apprête à tirer, un certain Akan débarque, deux verres à pied et une grosse liasse de dollars dans la main. S'ensuit une tirade sur l'importance de ne laisser aucune trace de doigt sur le verre, et du pourquoi il est interdit de tenir son gobelet par le calice.

C'est donc à ce moment précis que l'histoire de Mohamed Kacimi mise en scène par Isabelle Starkier, abandonne les terres du réel pour investir des territoires bibliques surréalistes à grand coup de répliques abracadabrantesques. Et l'arrivée d'Eden - la mère d'Akan - dans un costume en étoffe lamée d'argent, soutien-gorge cônes façon Jean-Paul Gaultier perruque nuage sur la tête n'arrangera rien. Comme dans un mauvais rêve, les images se troublent : une partie de roulette, une session de tirs sur le toit, un strip-tease... On comprend bien que l'histoire veut nous mener du côté de la barbarie, dénoncer les guerres, les religions, mais les artifices sont tellement prégnants qu'ils parasitent le propos de la pièce. Il ne sera pourtant pas question d'ennui, et les acteurs sont parfaits chacun dans leur rôle, mais il manque assurément ici une forme de cohérence dramaturgique, pourtant essentielle.

> Théâtre Girasol, 24 bis rue Guillaume Puy, 84 000 Avignon
> Du 4 au 27 juillet - 19h05 (relâche le 21 juillet)

par Elsa Pereira

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L'histoire a de quoi en faire frémir plus d'un. Nous sommes en 1870, la France est en guerre contre la Prusse. Un jeune homme de bonne famille, le fringant Alain de Monéys, s'en va un beau matin le cœur léger pour la foire annuelle de Hautefaye. Alors que le soleil se réveille à peine de sa nuit, le pauvre Alain  ne se doute pas qu'il finira la journée sur un bûcher, après avoir été violemment lynché par ses amis d'enfance et voisins. Ambiance. Inspiré par l'affaire Hautefaye, l'auteur Jean Teulé signe avec 'Mangez-le si vous voulez' une œuvre saisissante et décalée, une chronique précise et rythmée de la folie ordinaire. Un humour noir à glacer le sang que les deux metteurs en scène et acteurs Jean-Christophe Dollé et Clotilde Morgiève convoquent sur scène avec ingéniosité et imagination dans une comédie féroce.

Pour raconter cette descente aux enfers incontrôlable, les deux comédiens se sont entourés d'un duo de musiciens, les très doués Mehdi Bourayou et Laurent Guillet. Une écriture sonore qui à l'instar de la mise en scène oscille dangereusement entre la comptine morbide et les riffs crispants. En parfaite harmonie avec la scénographie : une cuisine rose bonbon riche de trappes et dans laquelle on appréhende les coups acérés du hachoir.
Un récit de monstruosités raconté avec entrain par un Jean-Christophe Dollé qui interprète à lui seul tous les rôles - du féroce François Mazière au sadique François Chambord - et une Clotilde Morgiève muette mais très expressive en ménagère sixties façon Betty Draper. Le résultat est une fable caustique qui s'amuse à nous faire rire jaune.

> Théâtre Actuel, 80 rue Guillaume Puy, 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 12h10

par Elsa Pereira

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C'est dans la salle, assise au cœur de son public, que Laurence Ruatti commence son spectacle, un one-woman show d'un peu moins d'une heure intitulé 'Dans la peau d'une femme'. Une grande brune qui devient un beau jour maire de son village imaginaire grâce à un programme édifiant et qui tient en un slogan plein d'espoir : « Unissons-nous pour nous donner la main. » Le ton est donné.

Quelques vannes bien senties, et une bonne humeur ravageuse. Car si le spectacle de Laurence Ruatti plaît, c'est surtout grâce à la personnalité de la comédienne. Sur scène, elle ose toutes les voix, toutes les grimaces, papillonne avec énergie et déploie un large sourire plein de candeur et de séduction. Un charme qui ne suffira pas cependant à donner à 'Dans la peau d'une femme' le mordant escompté. La manière parfois très maladroite d'aborder les problématiques du viol collectif et du harcèlement sexuel, sujets très épineux, y est sûrement pour beaucoup ; parler du viol façon DSK dans une ambiance 'Fifties Shades of Grey', avec en plus un traitement grotesque, rend en effet l'interprétation douteuse. Mais passé ce court moment de gêne, et parce que Laurence Ruatti n'a pas soigné que son texte mais aussi sa dramaturgie, le spectacle rythmé, drôle et sensible file en un instant. On espère retrouver très vite Laurence dans un spectacle plus exigeant, dans un cadre où l'on pourrait à la fois apprécier son talent de comique et de comédienne.  

> Théâtre Attila, 5 rue Portail Matheron, 84 000 Avignon
> Du 5 au 27 juillet - 19h30 

par Elsa Pereira

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