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Hey ! Modern Art & Pop Culture

  • 4 sur 5 étoiles
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Exposition Hey!
DRHenry Darger
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Délivrez-nous du dogme. Voilà maintenant quatre mois que d'étranges personnages chahutent derrière les portes de la Halle Saint-Pierre. Fœtus de super-héros avortés, peaux de bêtes mortes, puis gracieusement réanimées, délicates poupées de porcelaines défigurées, ou minuscules soldats de plombs enchevêtrés, tous rassemblés ici pour l'exposition 'Hey! Modern Art & Pop Culture'. Anne et Julien, les deux créateurs de la revue éponyme, à la fois porte-parole et portefolio d'un art multiforme, populaire et souvent à contre-courant, pouvaient-ils trouver meilleur écrin pour sortir du papier que la Halle Saint-Pierre, temple dédié aux arts brut et singulier ?

La rencontre a, en tout cas, de quoi faire trembler l'art avec un grand A. Les artistes exposés sont tous des outsiders : dessinateurs bien connus des milieux underground comme Debeurme, Crumb ou Blanquet ; maîtres de l'art du tatouage comme Sailor Jerry ou plus récemment Titine K-leu ; pères fondateurs d'un art torturé ou simplement siphonné comme Henry Darger (dont il faut absolument découvrir l'histoire et le travail), Pierre Molinier ou Clovis Trouille ; classiques du lowbrow art ou petits nouveaux aux styles bien à part.

Et l'exposition, malgré la multitude d’artistes et de genres, réussit sans s'éparpiller à proposer une plongée inattendue dans un monde aux frontières libres, aux paysages urbains, populaires et tourmentés. Une facette de l’art moderne et contemporain que l’on a moins l’habitude de voir, plus sombre, plus corrosive, et paradoxalement plus abordable. Peut-être parce que nous renfermons, refoulons tous cette part obscure et tumultueuse que 'Hey !' se propose de nous montrer.

La sélection est mesurée, variée et fascinante. Tout ne vous plaira pas, évidemment. Mais c'est justement l'intérêt de l'exercice. Se détourner d'un artiste pour en découvrir un autre. Trouver folie à son pied. Et l'agencement est à ce titre extraordinairement bien pensé. La partie basse, plongée dans la pénombre, se visite comme les méandres d’un inconscient, cylindrique, construite autour de recoins cachés, d’aspérités oubliées (à l’image des silhouettes fantomatiques de Yu Jinyoung ou de la faille consacrée à Blanquet). A l’étage, elle continue dans la lumière, cette fois. Mais les apparences sont bien trompeuses et les couleurs dessinent un univers tout aussi caustique, torturé et incisif.

Peu importe le mode d’expression (céramique, tatouage, modelage, peinture, dessin, bande dessinée, graffiti, sculpture, collage, etc.), tout semble construit avec la même substance, résidus de rêves, de cauchemars, ou plutôt de tous ces songes coincés entre les deux. Les thèmes se chevauchent et les obsessions se ressemblent. Partout, multiplications, foisonnement et angoissantes mises en abîme semblent donner la réplique à d’étranges cannibalisations. Récurrent, le corps est malmené, érotisé, tiraillé. La chair devient une autre matière. Pliée, décomposée, dessinée, mutilée, elle s'abîme pourtant sans se blesser, récréant ici et là de monstrueux reflets de l’individu moderne.

A regarder de loin, on pourrait commencer à s’inquiéter. Mais ce serait oublier un autre trait primordial et commun à la plupart de ces artistes : l’humour. Car bien souvent, c’est la société de consommation, ses codes, ses tocs qui sont détournés, moqués, avec intelligence et créativité (notez les jouets obscènes de Mischa Good). Il se dégage, en tous cas, de ce rassemblement de vagabonds de l’art, d’amoureux de la marge, un véritable parfum libertaire, une énergie punk et résolument salvatrice.

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Adresse
Prix
De 6,50 à 8 €
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