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  1. 'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
    'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
  2. 'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
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  3. 'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
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  4. 'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
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  5. 'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
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  6. 'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)
    'Le Sel de la Terre' de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (photo DR)

Interview • Juliano Ribeiro Salgado

Coréalisateur du ‘Sel de la Terre’, Juliano Ribeiro Salgado se confie sur son travail avec Wim Wenders autour du parcours de son père, le photographe globe-trotter Sebastião Salgado

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Lire aussi notre critique du 'Sel de la Terre'.

Time Out Paris : Comment est née cette collaboration avec Wim Wenders autour du travail et de l'itinéraire artistique et personnel de votre père, Sebastião Salgado ?

Juliano Ribeiro Salgado : Le film s'est fait en trois phases. D'abord, on s'est retrouvés, Wim et moi, avec l'intuition que le témoignage de Sebastião sur ses voyages, son travail, sur sa vision de l'humanité, correspondait à un message très important à transmettre. Nous avions aussi l'intuition que mélanger ce témoignage aux photos pouvait rendre quelque chose d'incroyable, qu'il y avait là un vrai matériel cinématographique. Ensuite, on a pensé à la dramaturgie que représentait l'itinéraire du photographe, à travers le drame, humanitaire mais aussi intime, personnel, de son expérience du Rwanda, et par la manière dont il a dû se réinventer avec le projet 'Genesis'. Et là, on s'est lancé : nous avons retrouvé Sebastião au Brésil pour tourner avec lui, Wim se concentrant sur les plantations, le rapport de Sebastião à la nature, et moi davantage sur l'aspect familial, son retour aux sources, et ce que cela signifie dans l'histoire de mon père. De mon côté, j'avais par ailleurs de nombreuses heures de rushs de mes précédents voyages avec lui.

Comment avez-vous organisé le montage du 'Sel de la Terre' à partir de ces multiples sources ?

Pour visionner tout le matériel dont on disposait, le mien et celui de Wim, il a facilement fallu deux semaines, jour et nuit. Pour le montage, on a d'abord collaboré pas à pas, au fur et à mesure. La première année, on a monté les séquences chacun de notre côté, à tour de rôle. Puis, on s'est rendu compte qu'il fallait finalement qu'on se retrouve ensemble autour de la table de montage pour véritablement réussir le film. Et contrairement à ce que sa stature de cinéaste pouvait laisser imaginer, Wim s'est révélé très ouvert, profondément généreux, à l'écoute. Au bout de deux mois de travail ensemble, le film était prêt.

Bien que centré sur le parcours de Sebastião Salgado, le film aborde aussi, notamment par votre présence, le thème de la famille, du lien entre les générations.

En un mot, je dirais qu'il s'agit de la question de la transmission. Déjà, lorsque j'étais tout petit, Sebastião nous racontait ses longs périples, ses réflexions sur ce qu'il avait vu, sur le monde tel qu'il avançait. Et plus je grandissais, plus il me racontait de choses. Avec ce film, j'ai voulu creuser cette relation en filmant également mon grand-père, le père de Sebastião, pour montrer ce qui peut se transmettre sur trois générations. Car cette transmission peut à la fois passer par des hauts et des bas. Par exemple, mon grand-père a dû exploiter sa ferme jusqu'à la dernière parcelle, pour que ses enfants puissent étudier. Plus tard, à travers le fait que Sebastião soit retourné sur cette terre, pour y planter des milliers d'arbres et y lancer, avec ma mère, l'Institut Terra, je me suis rendu compte que cette idée de transmission sur trois générations était véritablement un thème important pour moi au sein de ce film.

A travers Sebastião Salgado, 'Le Sel de la Terre' défend une inscription pacifiée de l'homme au sein de la nature, qui tient presque de la philosophie zen.

C'est très vrai. Sebastião n'a pas vraiment de religion, mais il a un rapport très intuitif au spirituel. Et il y a dans son parcours quelque chose de profondément zen, à travers sa recherche d'un équilibre, d'une harmonie, sa volonté de trouver une place dans le monde. Aussi était-il vraiment important de donner la parole à Sebastião, car quand on voit ses photos, qui sont à la fois très belles et très dures, on ne sait pas nécessairement à quel point il s'investit dans sa relation avec les personnes qu'il photographie, et qui deviennent souvent des amis. Au fond, je crois que la grande qualité de Sebastião, c'est cette relation qu'il parvient à nouer avec les gens à travers le temps, et qui fait que lorsqu'il pose son objectif sur eux, il y a une véritable émotion qui passe. Pour moi, son grand talent, au-delà de son travail sur la profondeur des noirs et blancs, sur ces paysages incroyables, c'est avant tout son humanité. Quand il est en train de photographier des travailleurs en Russie, ou qu'il se retrouve au Rwanda en plein génocide, il arrive toujours à établir une connexion, à se retrouver intégré à une communauté. Surtout, de ses échanges avec des êtres de tous les continents, je pense qu'il a appris quelque chose qui peut paraître désespéré mais qui est aussi très beau sur la nature humaine. Je tenais vraiment à ce que cela se retrouve dans le film.

Au fur et à mesure de votre travail, comment Salgado est-il passé de la figure du père à celle du photographe, d'un artiste au travail ?

A l'origine, je pensais découvrir Sebastião en partant en voyage avec lui dans le cercle polaire, ou chez les Indiens du Brésil, chez les Papous... Mais en fait, le moment où j'ai vraiment compris Sebastião, c'est quand j'ai découvert, au pré-montage, les séquences que Wim avait tournées : j'ai compris ce qu'il avait appris, pourquoi il était parti, quel rôle il s'était trouvé, comment il en était venu à se faire porte-parole des oubliés de l'Histoire... C'était vraiment très fort, très touchant. Alors, mon regard sur Sebastião s'est transformé. Et tandis que nous entretenions ces dernières années une relation assez distante, à ce moment nous sommes véritablement devenus amis. Pour moi, c'est l'une des plus grandes expériences que m'a apporté le film.

Techniquement, l'un des défis du 'Sel de la Terre' n'était-il pas de trouver comment présenter ce travail photographique au sein d'un film ?

Tout à fait. D'ailleurs, la télévision ou le cinéma paniquent en général devant la fixité de la photographie, et ont tendance à installer du mouvement artificiellement, avec des effets de zooms, de faux travellings. Or, on a tout de suite eu confiance, avec Wim, dans le fait que les photos pouvaient tenir d'elles-mêmes à l'écran, avec leur densité, leur profondeur, et que ce qui allait constituer le véhicule pour entrer dans ces photos allait être l'histoire, la dramaturgie, en fonction de ce que Sebastião avait à dire. Au final, ce dont je suis très fier, c'est que pendant de longs moments du film, on est plongé dans la subjectivité de Sebastião, mais à travers un moment qui s'est passé il y a 20, 30 ou 40 ans...

Son dernier projet en date, 'Genesis', évoque quant à lui les ravages humains sur la planète, thème éminemment contemporain...

En suivant Sebastião sur son projet 'Genesis', j'ai trouvé très puissante sa volonté de montrer que l'on peut s'identifier à des animaux, à des paysages, des volcans, des plantes, des arbres... Car c'est de sa part une proposition intuitive, une vision artistique offerte pour montrer que l'homme peut se sauver de la catastrophe du réchauffement climatique, en dépassant la séparation qui a été instituée entre lui et la nature. De même, l'Institut Terra, que Sebastião a fondé pour la reforestation de la forêt tropicale est une démarche très concrète, active, puisqu'il s'est agi de replanter deux millions et demi d'arbres. Dans un monde aussi pessimiste que le nôtre, un tel message d'espoir et de réussite de ce qui, à l'origine, ressemblait à une utopie, me paraît quelque chose d'extrêmement précieux. Et c'est un bel exemple pour les générations suivantes, en particulier celle à laquelle nous appartenons.

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