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Panam Squad
© The BlastArt

Roller derby : l'art de la bagarre

Rencontre avec la Panam Squad, première équipe masculine de roller derby de Paris

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Ils dévalent à toute allure les boulevards, se cognent les épaules sous la cité de la mode et squattent gentiment la balade en roller du vendredi. Tout sourire sur leurs patins à roulettes, les gars de la Panam Squad seront fin août à Newcastle à l'occasion de la coupe d'Europe. Alors qu'ils étaient arrivés en 7ème position (sur 16) en 2013, les Panam's aimeraient cette année pousser leurs roulettes un peu plus loin dans le classement. On leur souhaite de très beaux matchs !

Rencontre avec Alligator, Brutal Deluxe, KaramBowler et Maëlstrom.
Photographies The BlastArt.

Mais avant tout, le roller derby, c'est quoi ?

Time Out Paris : Comment est née la Panam ?

Maëlstrom : L'équipe s'est montée avec huit mecs qui étaient déjà soit arbitres, soit coachs des deux ligues féminines de l'époque, les Paris rollergirls et les Lutèce destroyeuses. Pendant les championnats du monde, le derby parisien s'est réuni dans les bars pour regarder les matchs. Le niveau de jeu nous a tellement motivé que l'on s'est décidé, nous aussi, de monter une équipe. On a commencé par ouvrir une page Facebook, puis ce fut l'occasion de nos premiers entrainements, sans logo, et même sans nom d'équipe. Au début, toutes les personnes que l'on a rassemblées sont venues par le bouche à oreille, ou parce qu'ils avaient déjà vu un match, ou connaissaient une fille qui faisait du derby. La plupart des joueurs sont arrivés pendant l'été. Aujourd'hui, nous avons 35 inscrits.

TOP : Après presque trois ans d'existence, vous vous entraînez toujours dans la rue, ce n'est pas trop dur ?

Brutal Deluxe : Il a des mecs bourrés, ça pue la pisse, le sol est inégal, on se prend des bouts de verre dans les roues... Et puis les chutes sur le gravier sont bien plus douloureuses. Oui, c'est vraiment usant de s'entraîner en extérieur. D'ailleurs, on remarque que lorsqu'on a la chance de pouvoir rouler dans un gymnase (parce que l'on est invité par des ligues féminines), on est bien plus nombreux.

TOP : Vous n'avez jamais réussi à avoir une salle pour vous entraîner ou organiser un match ?

Alligator : On a essayé de voir avec la mairie de Paris, mais soit ils ne nous répondent pas, soit ce sont des listes d'attente interminables. On a également prospecté du côté des collèges et lycées, mais ils sont très réticents à l'idée de prêter leur sol à des équipes de roller.

Maëlstrom : Toutes nos demandes pour obtenir une salle pour des événements se sont soldées par des refus deux jours avant l'échéance. Heureusement que les autres ligues nous invitent à faire la première partie de leur événement...

TOP : On retrouve des joueurs de la Panam un peu partout dans les autres ligues parisiennes…

Maëlstrom : C’est vrai, on a Juan qui entraîne les filles de la Boucherie de Paris, Viking qui s’occupe des Gueuses de Pigalle, Monkey Business qui est aux Lutèce destroyeuses et Alligator est un des entraineurs des Bashing banshees.

Brutal Deluxe : Et nous avions, quant à nous, une coach des PRG et une autre de la Boucherie de Paris.

Maëlstrom : Parce que le roller derby est un sport relativement récent, les gens sont ultra motivés, et n’hésitent pas à faire quinze choses en même temps ! Et puis à Paris, les équipes entretiennent de très bonnes relations les unes avec les autres, ça aide.

TOP : Quelles sont les différences pour vous entre le roller derby masculin et féminin ?

KaramBowler : Disons que l’accès à la pratique n’est pas le même. Chez les mecs, il y a généralement peu de novices en patin. Ce sont souvent des gars qui font du quad depuis un moment, des arbitres, ou des gens qui avaient déjà un très bon niveau de roller inline. Alors que chez les filles, il y a davantage de débutantes. J’imagine que les hommes sont plus attirés par le roller alors que les femmes viennent avant tout pour faire du derby. Au niveau de la pratique, le contraste n’est pas flagrant. Il y a, selon moi, autant de différences entre deux équipes de filles qu’entre une équipe de filles et une équipe de mecs.

Brutal Deluxe : La façon de jouer est très différente. On joue beaucoup plus dans le rapport de force que dans la stratégie. Notre technique va s’orienter davantage vers la puissance. Alors bien sûr, c’est toujours les mêmes règles, le même terrain ovale, mais c’est moins subtil, c’est plus bourrin.

Maëlstrom : Est-ce que c’est parce que l’on est moins malin et que c’est dans nos caractères d’être de gros bourrins ? Ou c’est juste parce que génétiquement les hommes et les femmes ne sont pas égaux question muscles ? C’est bien de faire la part des choses.

Brutal Deluxe : Il y a sûrement un peu des deux. Déjà parce que l’on est moins aguerris que certaines équipes. Quand tu vois la manière de jouer des PRG, leurs mises en place, leur réactivité. Nous, on est encore loin ! Quand il va se trouver en défaut, un mec va tout de suite y aller par la force, pour que ça passe. Et forcément, ça donne pas le même style de jeu. Pour pallier à notre manque de technicité, de stratégie, on va bourriner. Des fois, ça marche !

Maëlstrom : Ce serait tout de même relativement manichéen de résumer les choses à la dichotomie les filles jouent sur la stratégie et nous sur le physique. Toutes les équipes ont leur manière de jouer.

Brutal Deluxe : Les types de jeu vont s’adapter en fonction des normes de l’équipe. Ne serait-ce que dans notre propre ligue, entre l’équipe A et B, la manière de jouer n’est pas la même, d’abord parce que les gabarits des joueurs et la connaissance du sport n’est pas la même.

TOP : A une époque, certaines joueuses de derby voyaient d'un mauvais œil l'arrivée des hommes sur le track, mais aujourd'hui les choses ont beaucoup changé.

Maëlstrom : Le roller derby, ça doit être l'un des seuls sports qui est plus médiatisés chez les femmes. Alors si, dans dix ans, la part féminine devenait plus marginale, autant d'un point de vue médiatique que du côté des licenciés, ce serait extrêmement dommage. Enfin, je pense quand même qu'il n'y a aucune chance que cela arrive.

Alligator : Et puis, quand tu vois le nombre d'équipes féminines et le peu de ligues masculines, il n'y a pas photo ! Il existe tellement de sports masculins... On ne pourra jamais avoir autant d'adhérents qu'au rugby ou au football.

KaramBowler : On doit tout de même veiller à ne pas prendre trop d'importance... L'inertie paternaliste de la société poussera forcément les médias à nous donner beaucoup plus vite de l'importance, si jamais on prend de l'essor.

Brutal Deluxe : Oui, je préfère autant qu'on ne médiatise pas le roller derby masculin ! Je veux qu'il y ait de nouvelles équipes pour rencontrer de nouveaux gars, mais pas qu'on parle de nous. Le problème, c'est que beaucoup de personnes pensent encore que le roller derby est un sport exclusivement pour filles, ce qui rend le recrutement beaucoup plus compliqué. Pour certains, qui d'ailleurs ne connaissent pas vraiment le sport, le roller derby reste un sport superficiel, fait de bas résilles et de maquillage. Ils ne voient pas vraiment l'intérêt pour un mec de faire autre chose que de regarder. Mais en faisant un sport plus féminin que masculin, on découvre plein de choses sur les femmes. J'ai vraiment réalisé en faisant du sport avec elles que l'oppression des femmes n'était pas un mythe.

Maëlstrom : D'autant que les filles qui font du roller derby sont généralement plutôt engagées, pas forcément féministes ou anti-sexistes, mais contre ce système genré et les injustices qu'elles doivent essuyer au quotidien.

TOP : Le roller derby vous a rendu féministe ?

Maëlstrom : Je dirais plutôt anti-sexiste.

Brutal Deluxe : Si le roller derby m'a apporté quelque chose, c'est bien ça. Avant, ça m'est arrivé d'entendre ma sœur ou des copines en parler, mais naïvement je pensais que le harcèlement de rue, c'était des cas isolés de connards urbains. A force, on se rend compte que c'est du quotidien, pas des exceptions.

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>>> Pour regarder les matchs en direct, c'est ici.

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