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Joan Fontcuberta, 'Camouflages'

  • Art, Art vidéo
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Ça y est, on l’a trouvé. Le chaînon manquant entre Sacha Baron Cohen, Forrest Gump, les Yes Men, 'Code Quantum', 'Le Caméléon', Dada et Les Nuls. Oui, tout ça à la fois – même si à première vue, on pourrait n'y voir que du feu. Photographe propre sur lui, comédien, satiriste… Officiellement, Joan Fontcuberta est d’abord un type jovial en costard de prof de fac, un artiste barbu aux yeux qui brillent, plutôt filou et malin comme un singe. Mais il en faut peu pour se rendre compte que dans le monde de ce Catalan exposé à la MEP, les apparences sont trompeuses. Chez lui, la tromperie est même un fonds de commerce. Une façon de mettre de gros coups de pied dans le monde, tel qu’on nous l’impose. En riant à pleines dents.

Pour guérir nos yeux saturés d’images, ramollis par la pub, blasés par le petit écran et ses histoires « vraies », Fontcuberta a trouvé une solution : faire, sous couvert de documentaire, des photos et des vidéos qui racontent vraiment n’importe quoi. Attaquer les médias avec leurs propres armes en imaginant des reportages fictifs. Parodier la réalité dans ce qu’elle a de plus absurde et de plus fou. Au menu, une farandole de sujets : Al-Qaïda, l’Union soviétique, l’archéologie, la religion, la zoologie, les phénomènes naturels. Jusque-là, rien de révolutionnaire. Sauf que quand Fontcuberta change d’identité comme de perruque, se met en scène et invente des histoires tirées par les cheveux avec un air savant, il va toujours jusqu’au bout de ses idées. Et même encore plus loin, soignant les moindres petits détails de ses duperies.

Lorsqu’il se déguise, par exemple, en astronaute oublié de l’URSS, l'artiste remonte à la plus tendre fausse enfance de son personnage, pose dans ses fausses photos de mariage, écrit de faux témoignages de conquêtes spatiales, réunit de faux bibelots de partisan. Quand il invente des reportages archéologiques sur la sirène préhistorique, il nous fait, là aussi, cadeau de tout le schmilblick : interviews de spécialistes, traces d’ossements sur le site, reconstitutions anatomiques façon National Geographic, études scientifiques... Et il en va de même pour l’ennemi public associé à Ben Laden, pour les moines orthodoxes qui marchent sur l’eau (têtes pensantes d'une grande arnaque religieuse), pour l’homme de l’ombre de l’art moderne et pour la faune écossaise, peuplée de créatures hybrides comme le solenoglypha polipodida, un serpent pourvu de pattes de volatile.

Mais – vous vous en doutiez – derrière ses apparences fanfaronnes et fantaisistes, le regard que Fontcuberta porte sur notre monde se révèle, en fait, franchement tranchant. Non, une photographie ne dit pas toujours la vérité. Non, les versions officielles n’existent pas. Et oui, il faut s’exaspérer d'un monopole de la vérité détenu par savants, politiques, religions et médias. Même la sacralité du musée en prend pour son grade : ici, les panneaux explicatifs racontent des bobards, sous des airs d’autorité. Et nous dans tout ça ? Simples observateurs tournés en bourrique, nous voilà à la fois complices de la supercherie, et heureux d’être bernés. Réjouis de trouver en Joan Fontcuberta un grand usurpateur et satiriste du monde 2.0 – espèce finalement aussi rare que les serpents-oiseaux et les éléphants volants.

> Horaires : du mercredi au dimanche de 11h à 19h45.

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Prix
De 4,50 à 8 €
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