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Mannequin - le corps de la mode

  • Art, Textile
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Remplacer l'homme par la machine. Etancher la sueur des fronts en optant, à la place, pour l'usure lente, rentable et constante de l'objet. Le mécanisme de la modernité en aura englouti, des métiers. Mais pas celui-ci : au contraire, à l'aube du XXe siècle, le progrès pousse la porte du mannequinat à contre-sens. Autrefois exercée par des modèles en bois, condamnés à monter la garde jour et nuit dans les ateliers de couturiers, la profession de « mannequin » prend vie avec l'émergence de la photographie, de la société de consommation, des revues de mode et de la publicité. L'objet cède peu à peu sa place à une concurrente de taille (fine). La femme, la vraie, ne fait pas que poser : elle respire, parade, sourit, et minaude même, selon la volonté des créateurs de mode. C'est fait, le comble de la femme-objet est né des entrailles d'une poupée de bois et de chiffon.

Conçue par le musée Galliera, l'exposition présentée à la Cité de la mode se penche essentiellement sur cette dualité « chose/individu » qui colle à la peau du métier. A commencer, peut-être, par le meilleur : quelques œuvres critiques qui donnent le ton, comme ces portraits de beautés de chair et d'os, perfidement juxtaposées à des photos de bustes artificiels par une Valérie Belin qui cherche à tromper l'œil. Dans la même veine, Helmut Newton inverse les rôles en imaginant un mannequin de vitrine à l'effigie de Violeta Sanchez, tandis qu'Erwin Blumenfeld, lui, photographie des visages sans signes distinctifs et sans expression pour souligner la fonction purement « prototype » du modèle. Photos, pubs, magazines, robes griffées, films de défilés… Entre parcours historique et étude anthropologique, le reste a tendance à s'éparpiller, mais on en retient tout de même quelques beaux clichés d'époque (cheveux gominés, robes bouffantes et tout le tralala) et de mémorables séquences – notamment ce reportage sur une agence d'intérim qui brade les filles comme de la marchandise.

Des élégantes Parisiennes des années 1920, maladroites dans leurs lourdes robes de soie, aux parades outrancières des top models de Thierry Mugler, le métier s'invente et se réinvente au cours du siècle, sans jamais vraiment changer. Déjà, lorsque Jean Patou revient des Etats-Unis en 1924 avec des mannequins américaines « grandes, minces, sans hanches et aux chevilles fines », c'est la fin des haricots. La tyrannie de la perfection prend les devants de la catwalk, ne modifiant que légèrement ses codes (taille plus ou moins svelte, hanches plus ou moins rondes) selon les époques. Si une fenêtre s'entrouvre pendant les années 1990, plus « naturelles » et imparfaites avec leur Kate Moss un brin sauvage, elle est refermée aussitôt par les silhouettes photoshopées des sites de vente en ligne. Un constat se dessine : aussi starifiée soit-elle, la femme mannequin reste, par définition, esclave de son statut d'objet. Admirée pour sa beauté, mais condamnée à se démultiplier en silence. Comme ces poupées Sindy de Naomi, Karen et Claudia, conçues pour se faire arracher les cheveux par des petites filles.

> Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h

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Adresse
Prix
De 3 à 6 €
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