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Rina Banerjee : Human Traffic

  • Art
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Pour sa troisième exposition personnelle à la galerie Nathalie Obadia, Rina Banerjee, née en Inde mais vivant à New York depuis l’âge de 3 ans, présente des pièces spécialement conçues pour l’événement et rassemblées sous le titre thématique 'Human Traffic': sculptures, aquarelles, encres, panneaux de bois, feuilles d’argent, dessins grand format. L’impact visuel n’est pas riche, la démarche un peu trop ambitieuse, et l’imaginaire faussement inventif.

On se trouve face à des dessins, certes fluides, souples et colorés, mais dans lesquels on ne parvient pas à entrer. On flotte de l’un à l’autre, les traversant sans réussir à être pris par l’un d’eux. Chacun représente un paysage légendaire dans lequel sont mis en scène des créatures. Mais tous ont l’air de conter la même chose, un flux imprécis et peu gracieux. Ni répugnants ni fascinants, nous laissant simplement pantois. Comme s’il leur manquait une essence ou une nécessité, on leur passe devant. Dans le long et alambiqué descriptif qui accompagne la visite, le travail de l’artiste est présenté comme un art engagé, explorant « les problématiques modernes de circulation des hommes, de terrorisme, de migration, de déracinement, de colonisation… ». On ne sait alors plus très bien ce que l’on est censé voir : guerres, immigration, trafic d’organes ? Dans ces dessins vaporeux aux allures d’estampes indiennes mythologiques, ou sur ces créatures de taille humaine à l’intrigante circonvolution, où est le « trafic humain », la « fervente critique de la marchandisation des corps » ? Rien n’a l’air d’exister pour cette raison-là. Ni politiques ni politisées, les œuvres ont l’air béat de créations dominicales légèrement étranges. Gouffre de géant entre les images et les idées. Il faudrait chausser des bottes de sept lieues pour rejoindre Rina Banerjee, quillée sur sa rive conceptuelle tandis que l’on reste les yeux écarquillés devant ses tonalités naïves, ses figures difformes, ses mondes plats.

Au-delà de la crise de démangeaison discursive à laquelle elle cède, comme une tentative de s’ancrer dans un courant militant, l’artiste engloutit la possibilité de nous embarquer par les récits qu’elle met en scène tant ses créations sont autant inabordables qu’attendues : figures complexifiées sans imagination (les hommes ont des têtes animales, les bêtes des corps de femmes), composition flottante, éparpillement des matières sans vibration intérieure, aplatissement des couleurs. Dans un dernier effort d’approche, on lit le cartel. Anéantissant alors toute tentative d’amarrage, les titres construits tels des poèmes métaphoriques illisibles nous submergent de par leur grandiloquence disproportionnée, nous laissant décidément perplexes. 

Bien que prêt à déchiffrer les rébus visuels qu’expose la galerie Nathalie Obadia, nous nous sommes perdus. Dans ces mots qui empêtrent le regard, dans ces dessins qui n’évoquent rien d’autre que l’étroitesse de leur aplat, dans ces sculptures qui à part l’amoncellement de matériaux ne déclenchent aucune rencontre. L’on aurait aimé que quelque chose se passe, le début d’un voyage, une plongée dans un monde inconnu et fascinant. Tout pouvait arriver mais rien n’eut lieu. Que le vide d’une traversée décevante. Un rivage lointain et brumeux. 

Écrit par
Elise Boutié

Infos

Site Web de l'événement
www.galerie-obadia.com
Adresse
Prix
Entrée libre
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