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6 personnages que vous croiserez forcément dans une brocante à Paris

Écrit par
Emmanuel Chirache
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Avec les beaux jours, la folie des brocantes perdure, entraînant dans son sillon biffins et antiquaires, mais aussi particuliers en mal de petites économies. Le vendeur débarrasse ses étagères et met du beurre dans les épinards, l'acheteur trouve ce qu'il cherche à prix cassés et remplit son cagibi. Tout le monde est content, à commencer par ces six personnages que vous connaissez certainement déjà si vous êtes habitués aux vide-greniers.

1. Le vautour


Réveillé à 5h du matin par l'excitation d'un nouveau vide-grenier, perspective plus enchanteresse que l'aube de Noël pour un enfant, le vautour se presse sur les étals des brocantes avant même que vous ayez déballé vos affaires à vendre. Le vautour n'est pas là pour bayer aux corneilles, c'est un pro de la brocante. Il n'y va pas pour trouver la bonne petite affaire, il y va pour faire des affaires, pour faire tourner son business, parce que c'est un métier, monsieur. Il y passe ses matinées, flairant les bons coups aux premières lueurs, parfois à celle de sa lampe-torche, quand le vendeur ensommeillé ne sait pas encore ce qui lui arrive. Comme dans le règne animal, le vautour de vide-grenier travaille en bande : il se réunit autour de votre stand à peine sur pieds et attaque de tous les côtés. « Combien les téléphones ? » lance un premier, « vous avez des pièces anciennes ? » enchérit un autre, tandis qu'un troisième observe vos sacs encore par terre en demandant « c'est quoi dedans ? Vous vendez de la technologie ? Combien les téléphones ? (oui, le vautour se répète pas mal) » Assailli de toutes parts, le brocanteur du dimanche ne sait plus où donner de la tête et brade ses plus belles pièces. Dans le capharnaüm ambiant, vous avez même vendu votre montre, vos lunettes de soleil et la table sur laquelle vous aviez étalé vos objets.

2. Le collectionneur


Inutile de dire à quel point le vide-grenier est le biotope naturel du collectionneur. A l'image d'un gamin dans un supermarché, celui-ci avance les yeux écarquillés mais tente par tous les moyens de garder son calme. Il sait que de prédateur, il peut vite passer au rôle de la proie. Car un collectionneur débusqué est une victime facile pour le vendeur, qui profite alors de sa position de force pour l'arnaquer. Plus sauvage que le vautour, le collectionneur rôde à quelques mètres de votre stand, épiant l'air de rien l'objet tant convoité. Puis il tente une approche, caresse la lampe en faux industriel que vous vendez, vérifie qu'elle marche, tripote un ressort comme s'il auscultait un cheval de course. Son regard s'allume, il vous demande le prix. Sept euros. C'est trop pour lui, il vous en offre quatre. Vous refusez, alors il se livre : « J'en ai pas vraiment besoin vous savez, je les collectionne. J'en ai plein chez moi, des centaines dans ma cave. J'en ai pas besoin, hein, c'est juste que j'aime bien ça. » Vous répondez que la lampe est neuve, que vous ne descendrez pas en-dessous de six euros. Il s'en va, persuadé que le temps joue pour lui, mais reviendra bientôt avec l'allure d'un toxicomane en manque.

3. le Terminator


« I'll be back. » Sans doute vous souvenez-vous de cette réplique culte d'Arnold Schwarzenegger dans 'Terminator'. Eh bien, des Terminator, vous en verrez pas mal se pointer à votre stand de vide-grenier. En général, le Terminator se passionne pour vos vêtements, vos livres, vos bijoux, les observe durant de longues minutes, lisant une BD à moitié, essayant tous vos pantalons, vos chemises, vos bracelets, vous racontant sa vie pendant ce temps. Le Terminator reste souvent bloqué sur un objet en particulier, dont la copine ou le copain du Terminator dira d'ailleurs qu'il « lui va super bien ! ». Et après avoir passé dix bonnes minutes avec lui, vous l'entendrez vous dire : « Je reviendrai. » Il ne revient jamais. Finalement, le Terminator ressemble davantage au Christ.

4. Le comparateur de prix


A sa manière, le comparateur de prix est aussi un spécialiste de la brocante. Avant le vôtre, il a fait tous les 270 stands du vide-grenier et il se souvient des prix de chaque marchand. Votre chemise vintage marron dégueulasse, par exemple, il l'a vue trois euros moins chère sur le stand de la grosse dame devant la Poste. Alors il vous fait la remarque, enfin c'est pour vous, hein, lui il s'en fiche. Mais le comparateur n'est pas seulement un fin observateur à la mémoire d'éléphant, c'est aussi un homme (ou une femme) connecté(e). Grâce à son smartphone, il peut vous prouver immédiatement qu'il a trouvé sur eBay un lot de vieux Journal de Mickey à deux euros cinquante, ce qui devrait vous convaincre de revoir vos tarifs.

5. Le marchand de tapis


Il faut croire que les marchands de tapis ont toujours su négocier âprement leurs ouvrages, puisque cette profession s'est affirmée au fil du temps comme parangon du marchandage à la limite de la filouterie. Le moins qu'on puisse dire, c'est que leur acharnement à négocier un prix inspire encore bien des professionnels du vide-grenier. Loin de faire tapisserie, ces marchandeurs de bric et de broc sont partout et n'abdiqueront pas avant de vous avoir fait céder. Ils savent qu'un sou est un sou. Pas question de laisser filer vingt centimes si vous pouvez leur en faire cadeau. Quand ils négocient, ce n'est pas en rabotant un peu le prix, c'est en lui cisaillant la tête et le buste. Dites quinze euros, ils répondront huit. Ils connaissent toutes les techniques pour vous faire plier : pester contre un défaut de fabrication, vous convaincre qu'un appareil photo numérique neuf à vingt euros « c'est beaucoup trop cher », prétendre un désintérêt soudain en surveillant votre réaction du coin de l'œil, vider leurs poches vides pour vous apitoyer. A la fin, c'est vous qui les avez payés pour qu'ils vous débarrassent.

6. Le néophyte


A chaque vide-grenier ses néophytes, ses « bleus » qui débutent et chinent pour la première fois de leur vie. Ceux-là regardent émerveillés les étals et s'ébahissent devant un tote bag Papier Tigre, un échantillon de parfum ou la VHS du 'Grand Bleu'. En général, ils sont touristes (donc un peu pigeons) ou bourgeois, heureux de dépenser si peu d'argent pour des objets si typiques, si charmants, si désuets ! Leur regard semble s'écrier « quelle bonne affaire » lorsque vous annoncez le prix. Vous avez mis la barre un peu haute, parce que vous savez que le client va négocier à la baisse, comme toujours. Ô surprise, le néophyte ne connaît pas les règles du vide-grenier, il met la main à la poche et règle sans sourciller la somme que vous avez réclamée. La VHS est partie à 8 euros. Vous vous sentez sale.

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