Cette adresse, largement plus branchie que branchée, représente un phare dans les tourmentes de la gastronomie, un havre contre les coups de vain qu’on peut ressentir en sortant de certaines tables. Depuis 1967, le Duc n’a pas dévié d’un pouce de sa carte monomaniaque de la mer. Paul Minchelli, le chef historique parti désormais au 21 dans le 6e, a été le premier à oser servir du poisson cru (carpaccio de bar, langoustine nacrée ou tartare de daurade) à des clients encore peu habitués aux sushis.
Quant à la déco façon cabine de goélette avec bois vernis, tableaux piscicoles et hublot bordé de laiton, on la doit à Slavik, la superstar de l’archi d’intérieur des années 60. Aujourd’hui, le Breton Pascal Helard garde le cap de cette cuisine iodée avec un approvisionnement de saison (des coquilles Saint-Jacques passé mars ? Certainement pas !) et de petits bateaux au service des recettes mythiques du lieu comme ce homard « Château de Feuilles » au gingembre et citronnelle, inspiré par le restaurant éponyme aux Seychelles, ancienne propriété des Minchelli.
On y accoste un midi en laissant dans notre sillage la formule déjeuner à 60 €, pourtant accorte, afin d’aller droit au but : la mythique sole meunière (90 €). Une beauté sortie de l’eau la nuit précédente et présentée saisie dans sa poêle à poisson avant que le serveur ne lève les filets sous nos yeux. Cuisson millimétrée, fraîcheur impériale et beurre citronné. Un régal de simplicité ! L’offre des vins au verre se montre un peu chiche (trois propositions de blanc, c’est maigre) et la carte nage dans le tradi à prix costauds (mercurey du domaine Brintet à 85 €, chablis de William Fèvre à 170 €, montrachet à 1 990 €…).
Dans le genre tradi, le sucré se pose là avec ce chariot de desserts venu du siècle dernier et chargé de saladiers de fruits, de fondants au chocolat ou de babas bien mouillés de rhum. Pas de doute, le Duc déboîte.
