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Kevin Ha
© Kevin Ha

Kevin Ha, l’ancien candidat de « Ninja Warrior » qui éteint les lumières la nuit

Polytechnicien, ex-candidat de Ninja Warrior, Kevin Ha sillonne la capitale avec son collectif de parkour pour éteindre les enseignes lumineuses.

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
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Sacrée équation que celle de Kevin Ha. Sorti de l’X (Polytechnique), ex-candidat Ninja Warrior en poste au ministère des Finances, il s’est hissé au top des réseaux avec On the Spot, son collectif de parkour qui, sur le modèle du mouvement écolo Lights Off, sillonne Paris la nuit en éteignant de manière acrobatique les lumières des magasins. « Notre ADN reste le sport », recadre Kevin. Mais, à la manière de beaucoup de pratiquants de longue date, on a cherché à sortir de la performance pure pour la placer dans un autre contexte, en racontant de belles histoires et en portant des messages. »

C’est à l’automne 2020, dans le sillage des free-runners rennais du Wizzy Gang, que la loupiote d’On the Spot s’allume pour la première fois. Une vingtaine de compères parisiens parkouristes expérimentés s'agrègent pour monter des virées nocturnes mensuelles à Paris. Mais quand les pionniers écolos se servaient de perches, eux utilisent leur agilité et les techniques du parkour. L’objectif ne change pas : plonger la ville dans le noir pour faire respecter la loi qui prévoit que les lumières intérieures et extérieures doivent être éteintes de 1h à 7h. Les seules règles : ne pas dégrader la vitrine ni les biens publics, et vérifier que les lumières ne peuvent pas remplacer des éclairages.

Dépasser ses limites

Quand on évoque On the Spot, c’est surtout le volubile Kevin Ha qui surgit. Fils d’un couple parti du Vietnam dans les années 1970, il grandit à Joinville dans le 94 en étant « influencé par la culture pop, les superhéros, les animaux et les films d’action ». Très vite, le film Yamakasi (2001), du nom du groupe fondateur du parkour dans le 91, arrive dans la conversation. Lui commence en 2007, et se spécialise au fil du temps sur la partie grimpe quand d’autres sont davantage portés sur la course ou les acrobaties.

Kevin Ha
© Kevin Ha

Aujourd’hui, il s’entraîne six à huit heures par semaine et s’est lancé dans la pratique de nouveaux sports extrêmes (escalade, kit surf, parachute, parapente, plongée) qui lui permettent de s’évader de « son quotidien de bureau ». « Le parkour m’a aussi permis de prendre conscience des perspectives de mon corps dans l’espace et de dépasser mes limites. Quand on marche dans la rue, on est à l’affût de tout ce que peut nous offrir le mobilier urbain. Tout est une possibilité et le Lights Off a apporté une dimension supplémentaire avec les interrupteurs. » 

Un  impact immédiat

Le Lights Off, c’est le supplément écologique qui colore sa pratique. Le côté vert, Kevin y a été initié en deux temps. D’abord par « [s]es parents via la valeur des choses et le non-gaspillage ». Puis avec sa thèse en océanographie (sur la façon dont l’océan régule le réchauffement climatique), « l’élément déclencheur ». « Les résultats sont sur des temps longs, de l’ordre de dix à mille ans. Je voulais avoir un impact immédiat, le Lights Off a été ce moyen », explique-t-il.

 Kevin Ha
© Kevin Ha

D’un point de vue statistique, il leur arrive d’éteindre une soixantaine d’enseignes par nuit, en crapahutant parfois jusqu’à 4,50 mètres de hauteur. Et quand ils reviennent dans la même zone, ils constatent que 50 % des commerces se sont décidés à respecter la loi. Un ratio pas énorme mais « c’est la symbolique qui importe », reconnaît Kevin. Surtout quand on connaît l’ampleur du gâchis énergétique. Dans un entretien à un magazine de l’X, Kevin citait une étude de l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, qui estimait qu'éteindre « toutes les enseignes permettrait d’économiser 200 millions d’euros par an, l’équivalent de la consommation annuelle de 370 000 ménages ». 

La philo du parkour

Mais n’allez pas faire de lui un militant façon Extinction Rebellion. S’il assume d’être le visage médiatique d’un sport alternatif et le coup de projo donné par Ninja Warrior sur le message du collectif, il rappelle que « le Lights Off ne représente que 2 à 5 % de notre entraînement. On a été médiatisés pour ça, les gens pensent qu’on est un collectif écologiste mais non : on est un collectif de parkour. On est un peu un relais citoyen sans être politisés, on ne se balade pas avec des pancartes. »

Un relais citoyen, voilà un concept qui colle bien avec les deux devises du parkour : « Être fort pour être utile » et « Être et durer ». Kevin perçoit d’ailleurs parfaitement la dimension philosophique de sa discipline. « Les premiers à avoir fait du parkour sans le savoir, c’étaient les hommes préhistoriques. Pour chasser, se nourrir, survivre, ils sautaient, grimpaient et devaient être à l’écoute de leur environnement et de leur impact sur celui-ci pour le faire durer… On pourrait écrire une thèse dessus ! »  

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