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Les trois films incontournables (ou pas) à voir en ce moment au cinéma

Écrit par
Gildas Madelénat
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Réalisateurs stars, pépites indés, coups de cœur, plantades totales... Voici la sélection des films du moment de Time Out Paris à voir ou... à fuir absolument ! 

Avant l’aurore de Nathan Nicholovitch / Durée : 1h45

Ben est un travesti qui se prostitue la nuit à Phnom Penh. Il mène une vie de débauche alors qu’un soir va apparaître une enfant. Vendue par ses parents, elle est destinée au marché du sexe. Il décide de s’en occuper.

Avant l’aurore croise les trajets de personnages qui essayent de survivre à un monde couvert d’horreurs et de déchets. La ville et les nuits sont bruyantes et les âmes ne s’apaisent jamais. Ils trouvent donc refuge dans des fictions qui touchent aux corps et aux esprits, dans des mensonges qui laissent croire que l’on est vivant : les fausses dents et les seringues de botox, l’alcool et la drogue comme potions d’amour, les rapports monnayés. Autant de tentatives d’exister grâce à des morceaux de rien. Et ils restent là, à espérer que les prochains jours seront meilleurs.

Le film est une spectaculaire aventure dans un Cambodge rarement porté à l’image. Ce tournage léger permet de suivre avec authenticité et vivacité le parcours des différents protagonistes ; une liberté fabuleuse d’où surgit de brillantes phases documentaires. La caméra subit les maltraitances et les exaltations, elle accompagne les corps au plus près et ne loupe rien des cicatrices et des métamorphoses.

En arrière-plan les horreurs khmères et ces milliers de figures disparues, le commerce insoutenable des chairs, comme autant d’irruptions qui empêchent les possibles joies. Un film hommage, aux visages perdus, à ceux que l’on tente de se trouver.

Sortie le 19 septembre 2018

Note : 4/5

Les Frères Sisters de Jacques Audiard / Durée : 1h57

Oregon 1851. Les Frères Sisters, deux contrebandiers plein d’états d’âme à la langue et aux armes bien pendues, sont engagés pour retrouver un homme. Ce dernier détient une formule faisant apparaître l’or au milieu des rivières.

Si l’alchimie prend dans l’histoire elle peine à prendre dans sa forme. Les usages à la française de son réalisateur (grain, langue et cadres) ne sont pas à la hauteur de l’univers western. Malgré quelques belles séquences (cette fusillade dans le noir), Audiard ne tient pas la légende imposée par le genre, il ne la supporte pas (ce brouillard fabuleux abattu par un cut), et s’y dérobe même. Il ne filme pas l’attaque d’ours, le suicide du cheval, les séquences de sexe et la confrontation finale.

Oui c’est une adaptation, mais l'intérêt est ailleurs : le voyage introspectif, celui menait par les mots et les échanges. Mais tout cela se fait sans crépuscule, sans apaisement, sans réelle beauté. Ces mots-là ne sont jamais des balles, ils ne sont jamais vraiment moteur du récit. Et le film se retrouve alors dans un équilibre bien fade. Puis que penser de ces introductions comiques ? Faites de brosse à dent et de bidet, au final seules et vraies épopées, ou de ces scènes d’étoffe purement grotesques.

Les frères finiront quant à eux par retourner chez leur mère, comme de grands enfants, rendant ainsi le voyage vécu bien secondaire. Il s’agissait d’une fugue et non d’une aventure. Quelles fuites.

Sortie le 19 septembre 2018

Note : 2/5

Mademoiselle de Joncquières d'Emmanuel Mouret / Durée : 1h49

Madame de La Pommeraye perdant les sentiments de son Marquis décide de mettre sur le chemin de son libertinage Mademoiselle de Joncquières. Une jeune prostituée qu’elle paye et fait passer pour une sainte, tout ça pour le faire tomber de haut.

Adaptation libre d’un morceau de Jacques le Fataliste, Mademoiselle de Joncquières est un spectacle d’amour empli de perspectives faussées, de poésie abattues ; des attrape-nigauds sans d’autres reliefs que ses robes et coiffures d’antan. Il n’y a pas d’amour sincère ici. Ni pour les voix, ni pour les corps, ni pour le cinéma. C’est une vaste tromperie d’époque dans laquelle les bouches déroulent sans retenue.

Emmanuel Mouret prouve son accablante croyance dans l’héritage des mots, dans ce qu’ils diraient encore de notre monde. « Notre langue est juste » confient-ils. Mais celle d’aujourd’hui est injuste, douloureuse, faite de travers, d’avarie et de silence non simulé. Dans son film, les paroles et les gestes brodent les rêves et ne veulent plus rien dire. Notre monde et nos amours ont changé. C’est un film de déguisement, pas de costume, qui ne cesse de reluquer lui-même ses sublimités de toc.

Et nous sommes là à ne rien retenir, à voir les visages qui s’épuisent à cause des prétextes de jeu. Preuve par une Alice Isaaz dont la grâce muette ne résiste que le temps de son silence. Alors cessons de croire aux intemporalités et à ces géométries d’amour dépassées. Foutons la paix aux classiques.

Sortie le 12 septembre 2018

Note : 1/5

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