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Palais de Tokyo
Andrea Rossetti

Anne Imhof transforme le Palais de Tokyo en dédale underground dans une exposition magistrale

Avec l’expo ‘Natures Mortes’, la performeuse allemande squatte les espaces du centre d’art contemporain parisien, où elle y parsème de magnifiques installations.

Alix Leridon
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Alix Leridon
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Si l’ambiance sombre et exaltée des boîtes de nuits clandestines vous manque, il est grand temps de vous plonger dans l’œuvre d’Anne Imhof. À la faveur de Natures Mortes, carte blanche offerte par le Palais de Tokyo à l’artiste allemande, le centre d’art se transforme en un immense labyrinthe comme un club underground orné d’œuvres visuelles et sonores, auquel il ne semble manquer que la vibration collective de corps en transe et en sueur. 

On croirait presque que le Palais de Tokyo a été construit pour qu’Anne Imhof puisse un jour venir s’approprier ses murs bétonnés. Dans un élan créateur en négatif, l’artiste allemande est allée jusqu’à les détruire. Pour Natures Mortes, la peintre et performeuse a ouvert les cloisons dures et grises du centre d’art, élargissant ses perspectives et ses possibles, tout en offrant aux visiteurs une vue englobante sur l’ensemble des espaces d’exposition. On pénètre dans sa carte blanche comme dans un tunnel d’ardoises et de vitres teintées, qui dessine un chemin sombre et pénétrant, serpentant jusqu’aux entrailles de l’établissement. Le parcours est ainsi entièrement tracé et habillé par l’artiste, comme un labyrinthe sonore et ténébreux. Empli de chants et de fantômes, il pourrait être le décor de la descente d’Orphée aux Enfers, à moins qu’il ne s’agisse du squelette d’un club underground, avec son sous-sol en friche et ses alcôves dissimulées aux allures de backroom clandestines. 

Dans cet immense espace façon blockhaus berlinois, l’artiste allie toiles de maîtres et graffitis, en mettant en regard des croquis de Théodore Géricault et d’Eugène Delacroix, peintres majeurs du romantisme en France, avec les différents tags qui parsèment ses ruelles de verre, laissant passer la lumière qui coule depuis les grandes verrières du Palais. Dans ce dédale énigmatique, on se perd et on s’abandonne à la découverte des œuvres éclectiques qui rythment la visite, réalisées par Anne Imhof et par une douzaine d’artistes qui l’inspirent. Au détour d’une toile de Cy Twombly, peintre américain revisitant la mythologie gréco-latine à grand renfort de griffures et de graffitis, et d’une sublime antre entièrement dédiée au peintre allemand Sigmar Polke, on tombe nez à nez avec des instruments et objets disposés ici et là par l’artiste, de la guitare électrique au punching-ball, qui semblent attendre que l’on vienne s’en emparer. 

Palais de Tokyo
Andrea Rossetti

Célèbre pour ses performances, Anne Imhof s’est fait un nom dans le monde de l’art contemporain en remportant en 2017 le Lion d’Or de la Biennale de Venise avec Faust, une installation-performance pensée comme un opéra radicalement contemporain. Dans Natures Mortes, on découvre cet aspect de son travail à travers trois vidéos de ses performances. Dans la première partie de l’exposition, une captation de Sex, présenté en 2019 à la Tate Modern de Londres, nous projette dans une procession étrange, sensuelle et rituelle, incarnée par un groupe de performeurs et danseurs évoluant dans les réservoirs circulaires et industriels de l’ancienne centrale électrique. Deux autres vidéos, plus loin dans le parcours, mettent en scène l’artiste Eliza Douglas, brune longiligne et androgyne, dans des boucles où la peintre et performeuse s’offre un corps à corps avec la nature, fouettant l’écume des flots d’une mer tumultueuse dans Untitled (Wave), et ondulant derrière une gerbe de fleurs jaunes dans Deathwish. Une carte blanche magistrale, envoûtante et enivrante, qui nous fait redécouvrir l’architecture monumentale du Palais de Tokyo. 

Où ? Au 13 avenue du Président-Wilson, 75116 Paris
Quand ? Jusqu'au 24 octobre 2021. 
Combien ? À partir de 9€.

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