Aussi étonnant que cela puisse paraître après plus de quarante ans de carrière et d’amitié, cette expo à la Halle Saint-Pierre est la première consacrée à l’inséparable duo Caro/Jeunet. Une entité pourtant emblématique du cinéma français, qui se voit logiquement honorée du côté de Montmartre (Amélie Poulain, quand tu nous tiens), dans la fameuse « nef des fous ». Et c’est peu dire que le rez-de-chaussée du lieu s’avère un écrin idéal pour présenter l’art et la manière de leur cinéma, tant le bâtiment en lui-même rappelle certains décors de leurs films.
Dans une pénombre troublée uniquement par les écrans diffusant des extraits de films ou par l’éclairage des objets-œuvres présentés, le visiteur déambule jusqu’à se perdre à force d’arpenter un espace circulaire, de passer d’une vitrine à l’autre, d’un film à l’autre. Une atmosphère parfaite pour entrer en intimité avec ce duo de bricoleurs géniaux, qui a toujours utilisé les objets et l’ambiance comme principaux outils cinématographiques. Du monumental (statue d’Alien) au minuscule (vitrines contenant de nombreuses créatures), on en prend ainsi plein les yeux en découvrant le travail minutieux de Caro, Jeunet et leurs nombreux et talentueux collaborateurs (dont les excellents Gilbert Peyre et Charles Matton).
Alors même si l’organisation de l’expo film par film s’avère des plus classiques, on prend un malin plaisir à détailler ce curieux cabinet fait de fer, de rouille et d’êtres peu rassurants. Et de se rendre compte que malgré la diversité de leurs projets, de ‘Delicatessen’ à ‘Amélie Poulain’, d’un ‘Long dimanche de fiançailles’ à ‘Alien’, un même esprit à la fois sombre et enchanté, comme un éternel passé, hante leurs créations. Jusqu’à un petit espace consacré aux projets non réalisés, et dont on retiendra ces études pour ‘L’Histoire de Pi’ ou une série sur Casanova pour Amazon, retoqué par les internautes mais qui promettait pourtant du beau spectacle. On se rattrape donc avec cette expo, présentée jusqu’à fin juillet 2018.