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Dioramas

  • Art, Art contemporain
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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

Panoptiques renversants et théâtres miniatures : de Daguerre à Truman Show, une plongée au cœur de l'illusion.

Dans la mystérieuse boîte du Palais de Tokyo où les expos sont bien gardées, enveloppées dans le secret désirable de leur titre énigmatique, que trouve-t-on en ce moment ? Un diorama, des dioramas, plusieurs dioramas, de toutes les tailles, de toutes les couleurs, de toutes les formes. Mais qu'est-ce que c'est un diorama ? Une boîte à odeur ? Un carrousel ? Une fête sonore ? Non. C'est en fait un artefact, un simulacre, une réalité dissimulée sous les traits de sa reproduction, une illusion, un leurre… Bref, un diorama c'est un dispositif de mis en scène qui, sur une toile ou dans une boîte, reconstitue un morceau du monde. Entre réalité réaliste et fantasme fantasmatique, il ouvre une brèche pour le spectateur ébloui qui s'y engouffre en toute impunité.

Rêver en plusieurs dimensions 

Ce procédé vieux comme le monde, inventé par Daguerre - père du daguerréotype, comme son nom l'indique –, est en vérité une quête d'expériences vivantes. Véritable salle de spectacle qui offre des moyens complets d'illusion, le diorama est un panoptique qui se déploie derrière une vitre et où la lumière rend au décor toute sa profondeur et toute sa force. Ancêtre du cinérama, ancêtre des effets spéciaux, ancêtre de la 3D, le diorama n'est autre que l'une des premières tentatives de donner corps aux images et de les rendre (presque) palpables. Dans la première partie de l'exposition, on navigue ainsi au gré des espaces qui s'allument et disparaissent doucement, emportant avec leur clarté les mirages que celle-ci a fait naître.

Paysages nocturnes, éruptions volcaniques, tempête de sable dans les canyons : on traverse des éléments aussi grandioses que cynégétiques, dans la plus onirique des rêveries. On retrouve même l'utilisation des dioramas par la religion pour illustrer les mystères de la foi, les visages de ceux en qui l'on croit, leurs gestes, leurs postures, leurs regards… Puissants par l'impact qu'ils dégagent, les dioramas servaient également, aux XVIe et XVIIe siècles, à rendre réel ce qui jusqu'alors n'existait que par l'écrit et le récit.

Puis passer derrière les coulisses

Après cette première rencontre avec l'objet mystérieux du diorama, après avoir saisi son origine et ses fonctions premières, on pénètre ensuite dans une seconde partie de l'exposition qui nous présente l'envers du décor. Sorte de making-of, cette partie s'attelle à déconstruire l'effet de réel. Plusieurs photographies de Richard Barnes montrent dans un regard amusé et cynique les travailleurs à l'œuvre dans les musées d'histoire naturelle. La girafe est encore sous cellophane et le buffle de cire côtoie pacifiquement le balayeur tandis que le miroir renvoie l'image déformée du fond, révélant alors l'inadéquation entre l'image et la réalité à laquelle elle devrait appartenir. En impulsant une réflexion sur la puissance de l'illusion et de sa création, cette seconde partie interroge la condition du spectateur qui, ébahi derrière la vitre, contemple le reflet miniature ou gigantesque du monde dans lequel il vit.

Pour finalement entrer dans les dioramas contemporains

Une fois ce troublant passage de l'autre côté du miroir, on entre dans ce que l'on pourrait appeler nos dioramas, ce qui reflète notre monde contemporain, loin des précédents panoptiques distanciés. Retraçant d'abord l'histoire des dioramas humains, qui établissent une dérangeante mais nécessaire frise allant de l'histoire coloniale, à l'exotisme, en passant par le folklorisme, cette dernière partie clôt le panorama en renversant le processus même du diorama où le spectateur se retrouve expulsé de la mise en scène qui lui était offerte.

D'une finesse incroyable, l'exposition nous propose un voyage subtil au cœur de l'illusion, en déployant toute la multiplicité des techniques et esthétiques que peuvent convoquer les dioramas dans le but de faire une œuvre, soit totalement ludique avec les travaux de Ronan-Jim Sévellec, soit totalement réflexive grâce à ceux de Jeff Wall ou Tatiana Trouvé. Et c'est cette dualité, en permanente oscillation entre fascination et projection mentale, qui fonde toute la richesse du diorama, parfaitement mise en valeur ici.

Écrit par
Elise Boutié

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Adresse
Prix
9,40 à 12,50€
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