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Eva & Adèle : you are my biggest inspiration

  • Art, Art contemporain
  • 3 sur 5 étoiles
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Time Out dit

3 sur 5 étoiles

Paradoxes ambulants, les deux âmes sœurs sur-maquillées dépeignent la vie sans fard.

Sont-elles nombrilistes pour exposer ainsi leur intimité sur les murs du musée d’Art Moderne ? Et nous, visiteurs, sommes-nous à ce point voyeurs pour l’arpenter ? Sans doute, sinon pourquoi s’extasierait-on devant une mosaïque de polaroids bicéphales, selfies flous pris entre 1991 et 2005 – soit bien avant l’avènement de ce phénomène photographique égocentré. Mais que voulez-vous, le monde est fou. Pas étonnant donc qu’il soit la « plus grande source d’inspiration » de l’œuvre fantaisiste d’Eva & Adèle.

Avenir ou passé de l’art ?

« Œuvre », si tant est que l’on puisse nommer ainsi la restitution, sous toutes ses formes, de la vie quotidienne. Car c’est bien ce que nous offre à voir la première exposition française des autoproclamées « jumelles hermaphrodites » : leur existence au jour le jour, depuis la naissance de leur conceptuel tandem en 1992. Respirer, s’habiller à l’identique avec des tenues extravagantes (dont un large panel recouvre l’entièreté de la première salle), s’épouser, marcher dans la rue – déambulation vidéo à trois faces, afin de suivre leur pas en tournant autour d’une colonne : drôle et audacieux… Tout cela fait partie d’une « performance de soi », un « art vivant sans fin », 24h/24.

Partant du principe que « tout lieu où nous sommes est un musée », les deux complices au crâne chauve et au camping-car rose – comme des Barbie à l’identité sexuelle ambiguë – nous signifient qu’il y a de l’art à voir dans tout et n’importe quoi. Même des unes de journaux quelconques (à condition toutefois qu’elles y apparaissent), comme dans ‘Mediaplastic’. Heureusement, Eva & Adèle n’ont pas poussé l’abstraction jusqu’à nous présenter leurs artistiques régurgitations. Mais celles dont les paupières sont surchargées de fard et de paillettes entendent bien nous ouvrir les yeux à la beauté des choses banales, tel Marcel Duchamp et son urinoir en son temps. Face à la modernité de leurs travaux, la question se pose donc : ces sœurs siamoises sont-elles vraiment des visionnaires, adeptes du « futuring » qui leur tient tant à cœur, ou simplement des personnes bien inspirées ?

Après la passion, vient la tendresse

Décalées, inédites et troublantes, les créations d’Eva & Adèle suscitent des émotions ambivalentes, parfois violentes. A chacun son ressenti et son interprétation, son rejet ou son adhésion. Néanmoins, aucun spectateur ne pourra nier leur courage de dévoiler ainsi leur vie privée, surtout devant ‘Hellas’. Installation vidéo déployée simultanément sur sept écrans, cette œuvre constitue la genèse d’une relation fusionnelle bien réelle. L’histoire d’un couple voyageant en Grèce et en Italie, qui apprend à se connaître et s’aimer en s’observant longuement.

Au son de clochettes tintinnabulantes et d’un avion à réaction, on découvre Eva & Adèle en mariées, courant dans les hautes herbes près d’une voie ferrée ou se dévêtant dans les vestiges d’une église abandonnée. L’image bouge, le grain est épais, les couleurs saturées : ce n’est pas très beau, par moments c’est même franchement laid. Mais c’est puissant, fascinant, intrigant, et on se surprend à éprouver la tendresse qui les unie puis à apprécier leurs communes errances à force de les regarder. Exactement comme la vie, qui nous anime et nous agace à la fois.  

Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris

Écrit par
Clotilde Gaillard

Infos

Site Web de l'événement
mam.paris.fr
Adresse
Prix
entrée libre
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