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Family Pictures

  • Art, Photographie
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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Quand de grands noms de la photographie exposent leurs bijoux de famille à la MEP.

La famille, c’est sacré ! Et même si parfois on ne peut pas l’encadrer, c’est souvent la première chose que l’on photographie. Il n’y a qu’à voir le nombre d’albums photo qui s’entassent dans vos armoires, votre grenier ou votre carte SD, inutile de le nier. Mais ne soyez pas gêné : de nombreux et éminents artistes en ont fait de même, comme en témoigne l'exposition 'Family Portrait' à la Maison Européenne de la Photographie.

Strate générationnelle 

Puisant dans ses collections, la MEP dévoile les mille facettes que peut prendre l’amour clanique : la fascination, avec celle de Harry Callahan pour son épouse Eleanor, photographiée nue sous tous les angles de vue et les paysages, dans des clairs-obscurs magnifiant – Eleanor à la plage, Eleanor sur son lit, Eleanor en ombre chinoise, dans un désert de l’Indiana… C’est bien simple, on dirait la saga de livres pour enfant ‘Martine’. L’admiration aussi, celle de Richard Avedon pour son père atteint du cancer, éprouvée dans une série de sept portraits pleins de pudeur et de respect qui fit pourtant scandale en 1974, lors de sa première présentation au MoMA. Ou encore la confiance sans faille qui poussa la smala de Ralph Eugene Meatyard à jouer les fantômes errants dans des lieux abandonnés ou affublés de masques d’Halloween. Un album de famille moins naïf que l’’Autoportrait’ au rétroviseur, entouré des miniatures de ses proches, de William Eugene Smith. Mais dans lequel on ressent pourtant le même attachement sous-jacent.

Dans cette exposition-hommage, on expérimente également les sentiments fiévreux que peuvent faire naître en nous la vie de famille. Par exemple, l’obsession de vieillir à travers la série ‘The Brown Sister’ de Nicholas Nixon, photographiant immuablement tous les ans, depuis 1975, sa femme Bebe et ses trois sœurs cadettes. Une sénescence inaltérable mais une immortalité sur pellicule que reprennent, par leur dimension divine, tendre et onirique, les icônes en noir et blanc d’Emmet Gowin, représentant sa compagne telle une mère vierge dans un jardin édénique, cernée d’un halo surnaturel. Mais le plus poignant témoignage pictural de la passion demeure celui de Robert Frank qui, à quarante ans d’intervalle, capturait la sérénité d’une famille américaine endormie dans sa voiture sur les routes de ‘The Americans’ puis des bouts de vie mêlés les uns aux autres sans logique apparente, désordre relatif à un divorce puis à la mort de ses deux enfants. Un désespoir sombre engendré par la perte de sa chair, ou quand le paisible cocon éclate en milliers de morceaux épars.

Rite du culte domestique ? Thésaurisation de l’héritage tribal ? Vénération de l’affect quotidien ? Quoi qu'il en soit, immortaliser sa tribu constitue un passage de la vie privée à une éternité tragiquement public. A quelques instants d’intimité volés qui s’évadent ensuite dans la sphère populaire. 

Legs en images

Souvenirs jaunis mais surtout instruments de mémoire, telles les racines argentiques d’un arbre généalogique, ces clichés d’une belle simplicité, sans influence ou portée symbolique notoires, sont pourtant ceux qui nous touchent le plus profondément. Parce qu’ils nous parlent à tous, sans exception, d’un sujet que nous connaissons bien : les liens humains, qu’ils soient du sang ou du cœur.

On regrettera simplement une chose : si la femme est muse omniprésente, pilier porteur du clan, elle n’est que succinctement artiste. Pour représenter le sexe féminin derrière et non plus devant l’objectif, on ne peut compter que sur la photographe Nan Goldin et le portrait de ses parents s’embrassant. Quel dommage, surtout lorsque de formidables femmes photographes ont si bien su capturer l'essence de l'amour filial, comme Dorothea Lange, Diane Arbus, Vivian Maier ou encore Annie Leibovitz.

A croire que l’expert de famille doit forcément posséder un appareil (génital) masculin.

Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris

Écrit par
Clotilde Gaillard

Infos

Adresse
Prix
De 8 à 4,50 €
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