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Frédéric Bazille, la jeunesse de l'impressionnisme

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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Une peinture fougueuse et moderne qui prouve que le talent n'atteint pas forcément le nombre des années.

Sept ans de carrière seulement ! Et pourtant, en sept ans, Frédéric Bazille en a produit des toiles remarquables. Peut-être pas des chefs-d'œuvre mais des peintures injustement oubliées qui amorcèrent cependant le courant impressionniste.

Un enfant gâté, un moderne

Il faut dire que la peinture du jeune Frédéric Bazille (mort à la guerre à 28 ans) est empreinte d'émotions sans filtre. On le ressent dès l'entrée où le premier tableau qui nous accueille est un (énième) 'Autoportrait à la palette' de ce grand échalas au regard vif mais à l'air las. Dans ses toiles pétries d'une imperfection avant-gardiste (on pense ici à ‘La Tireuse de cartes’ aux proportions approximatives ou à la ‘Petite Italienne chanteuse des rues’ dont la composition, notamment les silhouettes esquissées des passants en arrière-plan, rappelle ‘Potsdamer Platz’ de Ernst Ludwig Kirchner), on ressent ainsi l'intrépidité du pinceau en quête d'expérience, l'assurance insouciante du jeune prodige, l'indolence de l'ambitieux bien entouré.

Car si Frédéric Bazille a pu pousser son art aussi loin aussi vite, c'est qu'il pouvait compter sur des parents bourgeois – qui auraient préféré pour lui une carrière de médecin et au crochet desquels il vivait sa passion – mais aussi d'un cercle d'amis de choix, dits les « actualistes » – parmi lesquels Zola, Monet, Renoir ou encore Gleyre, dans l'atelier duquel il a débuté. Privilégié, autocentré, touche-à-tout s’essayant aussi bien à la copie qu’aux effets de style flous, Bazille semblait donc peindre avec une vanité déterminée comme sous-couche (un comble pour celui qui avait en horreur les natures mortes). Il se dégage ainsi de ses œuvres un sentiment de suffisance aussi horripilant que subjuguant. La preuve : son ‘Atelier de la rue Furstenberg’ est un autoportrait innovant de l’artiste lui-même, avec sa palette de couleurs déversée sur le sol et son fauteuil vide, symbolisant subtilement sa présence.

Cette inventivité éclairée se découvre également dans ses harmonies chromatiques percutantes – en témoigne le petit bouquet de violettes rehaussant le camaïeu brun d’’Edmond Maître’ –, ses aplats vaporeux – visibles dans ‘Jeune fille aux yeux baissés’ – et ses paysages baignés par la lumière vivifiante de son Midi natal, au point de vue inédit et s’apparentant presque à des photographies – ‘Les Remparts d’Aigues-Mortes’, ‘la Robe rose’, ‘Scène d’été’, etc. Mais sa vraie modernité réside dans son ouverture d’esprit : il est le premier de sa génération à exalter la beauté d’une femme noire dans un monde pictural stéréotypé, en en faisant même le sujet principal de son tableau ‘Jeune femme au pivoine’.

Bazille et compagnie

Si l’essentiel du talent de Bazille se révèle dans les grands espaces, on se demande néanmoins si cette exposition, elle, n’est pas trop vaste. Suivant l’intitulé, on s’attendait à visiter la rétrospective d’un artiste. En vérité, on explore plutôt celle d’une époque. Dans les salles thématiques du fond, entre les académies et les toiles de Frédéric Bazille, s’intercalent en effet celles de ses contemporains : Cézanne, Renoir, Monet, Berthe Morisot… Ce n’est plus « Bazille et ses pinceaux » mais « Bazille & Co ». Et si l’on peut comprendre la mise en regard comparative d’Alfred Sisley et Bazille sur une même composition au héron, on se demande ce que vient faire un cliché de canard mort par Arthur Bolotte dans cet accrochage. Comme si la production de Frédéric Bazille ne suffisait pas en remplir l’étage que le musée d’Orsay lui accordait.

Ainsi, bien que l’on ressorte satisfait d’avoir fait la connaissance de ce peintre à tort méconnu, on reste avec une impression d’inachevé ou d’incomplet au fond de l’iris. A l’image de la vie de Bazille ou du tableau ‘Les Lauriers roses’, où se distingue une ébauche de silhouette, comme un fantôme planant au-dessus des bosquets.

Cette exposition fait partie de notre sélection des meilleures expositions à Paris

Écrit par
Clotilde Gaillard

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