Un prodige. A 15 ans, ses caricatures paraissent déjà dans les journaux, et font sa renommée. Dessin, gravure, peinture, sculpture : quel que soit le support, cet autodidacte fait admirer une virtuosité technique qui l’érige parmi les artistes les plus marquants du XIXe siècle. Cette polyvalence, l'exposition l'évoque bien sûr, mais seulement pour l'éclipser : 'L'Imaginaire au pouvoir' se concentre beaucoup trop sur la peinture et la sculpture, entretenant le complexe des Beaux-Arts dont souffrait le génial Gustave Doré.
Alors que les récentes rééditions de ses 'Des-agréments d'un voyage d'agrément' et de son 'Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie' (aux éditions 2024) ont rappelé à quel point l'inventivité de Doré participe à la création de la bande dessinée moderne, ces ouvrages sont à peine évoqués par le musée d’Orsay, tandis que sa carrière de caricaturiste s'avère traitée très succinctement. Seules les magnifiques illustrations de classiques de la littérature semblent trouver grâce aux yeux des commissaires de l'exposition – celles qui firent dire à Victor Hugo, commentant les images de Cervantès : « On appelle ça illustrer un ouvrage : moi je prétends que c'est le refaire. Au lieu d'un chef-d'œuvre, l'esprit humain en compte deux. » Sans doute parce qu'en s'attaquant aux classiques, Doré y gagne en sérieux et en respectabilité. Encore que : ce qui aurait dû être le cœur de l'exposition apparaît comme une simple étape sur la route de la peinture. Un comble pour celui qui disait avoir signé « seulement » 100 000 dessins à l’âge de 33 ans.
A regarder les œuvres immenses réunies au rez-de-chaussée en guise d'introduction au parcours, on ne peut que se rendre à l'évidence : là où ses dessins synthétisaient, en quelques traits ardents, l'élégance graphique, le rire et la subversion, ses toiles sombrent dans une lourdeur convenue. Là où triomphait la légèreté, se dressent par la suite de pesantes allégories (ses œuvres patriotiques sur la défaite de 1870 par exemple). Là où le dessin brillait par son audace, les peintures préfèrent se complaire dans un spectaculaire pataud. Chaque tableau se doit d'être le plus grand possible, comme pour compenser la frustration d'un Gustave Doré qui rêvait d'être reconnu à sa juste valeur. En exauçant son souhait, paradoxalement, le musée d'Orsay ne lui rend pas justice, mais donne l'impression, comme au XIXe siècle, de mal considérer l'incroyable œuvre dessinée de celui qui a définitivement imprimé sur notre rétine les Enfers de Dante, ou l'Ogre du 'Petit Poucet'.
> Horaires : du mardi au dimanche de 9h30 à 18h, le jeudi de 9h30 à 21h45.
Gustave Doré : L'Imaginaire au pouvoir
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