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L'Ange du bizarre : le romantisme noir de Füssli à Max Ernst

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4 sur 5 étoiles

Ancêtres des zombies de ‘Walking Dead’, des apocalypses de Cormac McCarthy et autres vampires-lovers-vikings-louisians de ‘True Blood’, des hordes de monstres, démons et sorcières envahissent le musée d’Orsay pour faire renaître le « romantisme noir » de ses cendres. Ils viennent presque tous du même endroit : d’un recoin obscur des XVIIIe et XIXe siècles qui, après quelques lueurs de Raison et de Lumières, replongent dans le doute et l’obscurantisme à l’heure des guerres napoléoniennes, puis de la révolution industrielle. C’est sur ce terrain glissant que germent les branches noueuses de l’histoire de l’art auxquelles vont s’agripper les naufrages de Géricault, les chauves-souris de Delacroix et les clairs de lune oppressants de Caspar David Friedrich. Plus qu’un mouvement, cet « ange du bizarre » traverse les genres et les époques pour incarner la face obscure d’une modernité émergente. Il s’inspire de Shelley, de Shakespeare, de Goethe ou de Poe. Se nourrit jusqu’à plus soif des fantasmes les plus cruels de la société post-révolutionnaire, dissolue et désabusée, dont notre XXIe siècle est, indéniablement, le digne héritier.

Des gravures de Goya (de superbes extraits des ‘Caprices’, des ‘Proverbes’ et des ‘Désastres de la guerre’) aux chimères sanguinaires de Gustave Moreau, l’exposition, intelligente et richement documentée, nous conduit à la source de ce courant irrépressible de fantaisies, avant de remonter vers le XXe siècle. La mythologie nordique, les déviances de Sade et les monstres de Milton s’infiltrent partout, menacent tout. Aux scènes surréalisantes de Ranson (des sorcières rouges assises autour d’un feu) répondent les portraits brûlants de Bonnard (une femme assoupie sur un lit, comme dévorée par des draps grouillant de vie). A l’apocalypse kitschissime de Samuel Colman, les corps ligotés du photographe Charles-François Jeandel, prédécesseur de Joel-Peter Witkin. Heureuse surprise : le ‘Faust’ de Murnau, le ‘Frankenstein’ de Whale ou le ‘Chien andalou’ de Buñuel font quelques apparitions parmi tous ces cauchemars peints à l’huile et moulés dans le bronze. Projetés çà et là, les extraits de films rattachent l’exposition à la culture populaire du XXe siècle, pour mieux mesurer l’impact atemporel de cette dark fantasy. Dommage que la partie sur le surréalisme, à peine peuplée de quelques forêts de Max Ernst et autres paysages de Magritte, conclue le parcours sur une note un peu expéditive. Mais ‘L’Ange du bizarre’ n’en demeure pas moins le témoignage envoûtant d’un monde qui semble se tenir, depuis plus de deux siècles, au bord du gouffre.

> Horaires : du mardi au dimanche de 9h30 à 18h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h45

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Prix
De 9,50 à 12 €
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