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Lola Alvarez Bravo : Photographies Mexique

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La Maison de l'Amérique latine expose les clichés de Lola Alvarez Bravo, l'une des figures emblématiques de la photographie mexicaine.

Pour la première fois en France, une exposition est consacrée à l’œuvre de Lola Alvarez Bravo, et c’est à la Maison de l’Amérique latine, bel hôtel particulier du XVIIIe siècle, qu’elle a lieu. Cette photographe mexicaine, audacieuse et travailleuse, qui arpentait les rues de Mexico, son Rolleiflex à la main, à une époque où la ville appartenait aux paysans et aux femmes au foyer, a su se faire une place dans le petit monde de la photo grâce à son regard et sa technique.

Attentive aux transformations sociales de son pays, sensible à la place de la culture indigène et témoin de l’effervescence culturelle de Mexico, Lola Alvarez Bravo nous donne à voir de façon fine et pudique un Mexique qu’elle habite et côtoie. Dans un doux noir et blanc au contraste faible et à la lumière pénétrante, ses photos captent des détails, des brèches dans les paysages et décors quotidiens des rues ensoleillées où l’ombre est précieuse. Son regard s’attarde là où un autre n’aurait fait que glisser, dans l’entrebâillement d’une porte, sous un camion, au coin d’une rue, sur une plage d’Acapulco, à l’ombre d’un volet, sous une tonnelle… A la manière de Cartier-Bresson, dont elle était l’amie, elle porte un soin tout particulier à la composition de son cadre, à l’affût du mouvement et de l’instant : le joueur de tololoche qui tourne la tête pour voir qui l’écoute, la jeune fille au regard rêveur, des ouvriers endormis sont autant de situations fugaces qu’elle a su saisir dans une distance respectueuse mais étudiée.

Loin du tumulte et du brouhaha des rues sud-américaines, les photos de Lola Alvarez Bravo sont empreintes d’une certaine mélancolie, comme si elles portaient déjà la marque de l’évanescence de leur sujet. L’on y rencontre souvent des femmes au regard absent, des aveugles aux yeux flous, des ouvertures (portes, fenêtres) invitant à un voyage dont on sait rien, charriant avec eux l’imaginaire surréaliste de l’époque et les profonds changements sociaux. L’on remarque également l’étrange cohabitation des signes de la modernité avec ceux d’une tradition foisonnante parfaitement illustrée dans cette image représentant deux paysannes enroulées dans leur poncho s’abritant sous une bâche de plastique. Plus brutalement cette modernité envahit l’espace visuel dans les photomontages ‘Chemins de fer’, que l’on trouve à la fin de l’exposition. Travail expérimental et engagé, ce montage d’images transcrit, par sa forme accumulatrice et contenant une certaine violence, la vitesse à laquelle se transforme le contexte socio-politique du Mexique. 

Photographe de son temps par ses clichés de rues et ses montages précis, Lola Alvarez Bravo l’est aussi par les portraits des grands noms de l’art qu’elle réalise. Frida Khalo, Diego Rivera, Octavio Paz… autant d’artistes et amis qu’elle fréquentait et aimait, qui marquèrent le paysage artistique du Mexique des années cinquante. En les immortalisant sur sa pellicule, elle rend compte aussi bien de leur importance que de sa propre place au sein du cercle culturel émergeant alors. Elle se met ainsi subtilement mais parfaitement en scène dans son rôle de photographe, autant œil témoin des mouvements en cours qu’acteur de ces mêmes mouvements. 

La richesse du travail de Lola Alvarez Bravo, à la fois dans sa pratique des techniques photographiques et dans son aspect documentaire, mérite qu’on s’y attarde un peu. N’hésitez donc pas à aller admirer les œuvres de celle qui s’appelait elle-même la « travailleuse de la photographie », c’est gratuit.

Écrit par
Elise Boutié

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mal217.org
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