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Picasso primitif

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Time Out dit

5 sur 5 étoiles

'Picasso et Matisse', 'Picasso.mania', 'Picasso-Giacometti', 'Picasso et Les Maîtres'… Décidément, il ne se passe plus huit semaines sans qu’une exposition « Picasso et untel » ne serve de blockbuster à des musées en quête de milliers d’entrées. Plusieurs questions nous viennent à l'esprit. Qu’allait-on bien pouvoir apprendre de plus sur l’ogre cubiste sans tomber dans le radotage ? Quel artiste allait bien pouvoir servir de faire-valoir au génie espagnol, lui dont les œuvres cannibalisent bien trop souvent celles de ses éphémères colocataires ?

Et pourtant, rien de tout ça : si l’association entre le Minotaure et les arts premiers a déjà été abondamment abordée, ce parcours « Picasso-primitif » a plus d’un mérite : démontrer, notamment grâce à une succession de chefs d’œuvre, que le concubinage entre Picasso et les arts dit « nègres » (comme il les appelait à l’époque) ne se résume pas - loin de là - à la conception des 'Demoiselles d’Avignon' en 1906. Mais aussi celui de traiter les artistes associés d’égal à égal avec le maître de l’art moderne.

Une forme de magie

Pour cela, le commissaire Yves Le Fur gorge la première partie dudit parcours d’un riche et puissant corpus scientifiquement impressionnant, bien que pas toujours facile à digérer. On y découvre de façon chronologique la soif insatiable du jeune Ibère pour les arts non occidentaux, notamment pour les splendides masques, les tikis, les figurines mambila, les sculptures anthropomorphes tonga et autres totems d’Afrique et d’Océanie. Ils apparaissent tel un jeu de piste tantôt sur des clichés en noir et blanc, où ils sont visibles à ses côtés dans ses appartements ou au milieu du tohu-bohu de son atelier, tantôt directement exposés sur les murs du musée.

On pense également à ses lettres : celle pour Apollinaire où il qualifiera les œuvres susnommées de « ce que l’imagination humaine a produit de plus puissant et de plus beau ». Ou à ses témoignages, dont celui mythique où sur fond d’odeur de moisi du défunt musée ethnologique du Trocadéro, il dira ahuri à Malraux puis à sa compagne Françoise Gilot, dans les années 1950 : « J’ai compris que c’était le sens même de la peinture. Ce n’est pas un processus esthétique, c’est une forme de magie qui s’interpose entre l’univers hostile et nous, une façon de saisir le pouvoir, en imposant une forme à nos terreurs comme à nos désirs. Le jour où j’ai compris cela, je sus que j’avais trouvé mon chemin »

Choc des cultures

Ce choc du peintre pour les arts non européens prend alors tout son sens dans la deuxième partie de l’exposition. Ils vont se confronter et communiquer de manière flagrante, et majestueuse, avec l'art de Picasso : silhouettes démesurées et ultra-stylisées, verticalité des êtres, proportions non conventionnelles… Preuve est avec ce masque en carton qu’il peint avec les mêmes yeux graphiques et le même dessin bicolore que celui de Dan « gunye ge » de Côte d'Ivoire (avant 1966). Magique.

On comprend aisément alors pourquoi il quitta l’autoroute de l’académisme pour emprunter la sienne. Et on repart avec une sensation : celle d’avoir rencontré plus qu’un génie. Beaucoup d’autres.

Houssine Bouchama
Écrit par
Houssine Bouchama

Infos

Site Web de l'événement
www.quaibranly.fr
Adresse
Prix
9€
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