Sur des cimaises jaunes, vertes et bleues, c’est toute l’étendue du travail de “Tarsila” qui se dévoile en parallèle de l’histoire sociale et politique du Brésil, entre colonisation, esclavage et questionnement identitaire. Une double lecture assumée par le musée, qui propose d’apprécier la plasticité de la peintre, largement influencée par les avant-gardes européennes et ses nombreux voyages à Paris, tout en creusant le contexte dans lequel évoluait l’artiste (1886-1973), qui était blanche, bourgeoise, mais pas totalement déconnectée de la réalité de ses compatriotes.
On a devant nos yeux toute l’essence du “mouvement anthropophage”, qui, selon Oswald de Andrade, poète et compagnon de la peintre, prône la digestion “des différentes cultures qui ont fait le Brésil”, héritage colonial, cultures autochtones, cultures des descendants d’esclaves africains mais aussi influences de la modernité européenne. En bref, tout ce qui fait l’art de Tarsila do Amaral. D’une grande beauté, l’exposition rend compte de son ambivalence en six sections, toujours avec une grande justesse. Malgré un certain déséquilibre qui met surtout en valeur ses œuvres des années 1920, le parcours tente de répondre à la question sous-jacente de l'œuvre de la peintre : au fond, c’est quoi être Brésilienne ?
Partout sur les murs, des éléments de réponse, les histoires populaires qu’on raconte aux gamins dans A Cuca (1924), ou les stéréotypes racistes intégrés par les Brésiliens eux-mêmes dans A Negra (1923). On trouve aussi un autoportrait bourgeois où elle apparaît sapée par le styliste Jean Patou, des traces de son engagement avec le parti communiste, dans l’impressionnant Operários (1933), qui représente des ouvriers dans un style inspiré des muralistes mexicains. Et c’est pleinement nourri qu’on ressort du parcours, avec une seule envie : prendre un billet pour Rio et se poser ces questions sur place.