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Topographies de la guerre

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Time Out dit

4 sur 5 étoiles

Alpes, 2010. Sur le champ de bataille oriental de la Grande Guerre, des montagnes se figent sous les flashes de Paola de Pietri. Les vestiges de murs, de tranchées, de tombes, érodés par les cent dernières années, se découpent sur le relief comme autant de couches géologiques du souvenir de la guerre. On a beau disséquer le paysage : impossible de distinguer les dégâts naturels des balafres causées par l’homme.

Ailleurs, pas d’hémoglobine non plus, ni de coups de feu. Pas même une petite explosion. A l’heure où, sur le terrain, les conflits armés prennent des allures de combats virtuels, effroyablement proches du jeu vidéo, cette exposition nous ramène vers le concret, vers la terre, sans jamais montrer la violence – mise à part une terrifiante vidéo mise en circulation par Wikileaks, ‘Collateral Murder’, révélant une bavure américaine qui coûta la vie à une dizaine de civils en Irak. Au BAL, la guerre marque son territoire en silence, se contentant de se dessiner dans l’espace, de s’immiscer dans la nature, de se réapproprier le réel en marquant son empreinte lancinante sur la géographie.

Imprimée sur l’objectif documentaire de la caméra et de l’appareil photo, cette violence informe, sans visage, dissémine ça et là des indices de son passage : dans les débris, les bosses (des tombes ?), les trous (de mines ?) qui s’esquissent sur les terres angolaises mitraillées par l’appareil photo de Jo Ractliffe. Dans les vues aériennes oppressantes de Jananne Al-Ani, qui plongent comme des missiles au ralenti vers les ruines d’on ne sait trop quoi, éventrées au milieu du désert. Un peu comme si la brutalité se fossilisait dans les premières séquences de cette exposition, pour mieux troubler notre perception du conflit : même quand la guerre est finie, elle est encore là.

Irak, Liban, Afghanistan, Palestine, Israël : une fois notre regard déboussolé (« comment ça ? une expo sur la guerre sans bagarre ? »), ‘Les Topographies’ s’engouffre dans ces luttes post-modernes dont on peine à saisir les contours, rendus presque abstraits par les médias et les militaires occidentaux. On respire alors les relents amers d’une réalité brutale dépassée par la fiction. On reçoit de plein fouet la désincarnation du combat, notamment devant ces jeux vidéo d’entraînement de l’armée américaine, grâce auxquels les futurs soldats peuvent se battre en images de synthèse dans les rues de Bagdad, pour se préparer au « vrai » conflit (Harun Farocki). Ou devant ces prises de vue d’un camp d’entraînement californien épluché par l’objectif d’An-My Lê, où des militaires zélés poussent la mascarade à son comble, allant jusqu’à barbouiller les murs d’injures anti-américaines – histoire de faire plus authentique. On en sort avec l’impression d’avoir regardé la guerre dans le blanc des yeux. Alors qu’on ne l’a vue que de dos.

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De 4 à 5 €
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