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La Chasse

'La Chasse' et 'Objection' de Erik Lochen

Deux géniales raretés du Godard norvégien à l'Action Christine

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Dans le cadre de son Ciné Cubi Klub, Malavida Films projette deux formidables raretés du Norvégien Erik Lochen, à l'Action Christine. Une Nouvelle Vague précieuse et inattendue, tout droit venue du Nord.

L'histoire aura été terriblement injuste avec Erik Lochen (1924-1983). Le pauvre n'a même pas de fiche Wikipédia. C'est dire... Pourtant, d'incontestables moments de génie traversent chacun de ses deux films, 'La Chasse' ('Jakten', 1959) et 'Objection' ('Motforestilling', 1972), avec une inventivité du langage cinématographique qui nous le fait apparaître comme un cousin proche - et extrêmement talentueux - de la Nouvelle Vague française.

Triangle amoureux entre deux hommes et une femme, 'La Chasse' fait immanquablement penser à 'Jules et Jim' de François Truffaut, qu'il anticipe pourtant de deux ans. Du coup, on pourrait imaginer que ce premier long métrage d'Erik Lochen, projeté au Festival de Cannes en 1959, ait pu inspirer un Truffaut venu y présenter ses '400 Coups'. Seulement, la comparaison s'arrête là : tandis que Jules et Jim parviennent à rester amis tout en convoitant la même femme (et c'est toute la beauté libertaire du film de Truffaut), les protagonistes de 'La Chasse' évoluent en permanence dans un climat de tension franchement perverse. Tendance Bergman, si l'on veut. Mais surtout, 'La Chasse' est de bout en bout porté par une rare inventivité visuelle et narrative, qui rappelle, davantage que la douceur amicale de Truffaut, l'audace d'un Godard : comme dans les films du maître suisse, les personnages s'adressent parfois ici directement à la caméra, à une distance équivoque, souvent très poétique. Il arrive même que le film offre en son sein son propre commentaire, riche de multiples suggestions interprétatives. Franchement, c'est brillant. Et on ne vous raconte évidemment pas le final, avec un plan d'une intelligence visuelle et narrative bluffante...

'Objection', second et ultime film de Lochen, fait quant à lui davantage penser à 'La Nuit américaine' de Truffaut, lui-même variation sur 'Huit et demi' de Fellini, avec son histoire de tournage et de film dans le film. Sorte de testament ludique, Lochen y livre un véritable art poétique sur la nature du langage cinématographique. Impossible à résumer, il constitue une véritable objection (d'où son titre) à un cinéma commercial qui en serait resté au stade du théâtre filmé. Ici, Lochen joue de toute l'étendue de son médium et, d'une main de maître, parvient à suggérer et mettre en œuvre un art du cinéma formellement riche et fécond. Pour quiconque s'intéresse au cinéma, 'Objection' se révèle un tourbillon de possibilités, de lectures, de références. Mais l'important, au fond, c'est avant tout la façon dont Erik Lochen articule esthétique et éthique. D'ailleurs, le film commence sur ces mots du cinéaste : « Une histoire bien classique serait une grossière simplification. Voire un mensonge. Présentons donc juste un matériau et laissons le spectateur inventer l'intrigue. Il est aussi malin que nous. C'est un pur hasard qu'on soit de ce côté-ci de la caméra. Faut laisser sa chance au public ! » Le programme est clair et le film n'en déroge pas, comme il ne se départit jamais d'un humour parfois féroce. Et laisse, à la fin, le spectateur pantois, avec la sensation que tout peut devenir matière cinématographique. Ou, pour paraphraser Mallarmé, que le monde est fait pour aboutir à un beau film. Comme celui-ci... A ne vraiment pas manquer, donc.

Soirées Erik Lochen au Malavida Ciné Cubi Klub : les 19, 20, 26 et 27 janvier 2012 à l'Action Christine, 4 rue Christine, Paris 6e.

Auteur : Alexandre Prouvèze

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